Chroniques

par bertrand bolognesi

épisode 2 – Christophe Colomb de Félicien David
Vlaams Radio Koor, Les Siècles, François-Xavier Roth

Festival Berlioz / Château Louis XI, La Côte-Saint-André
- 22 août 2014
Josef Wagner chante le rôle-titre de Christophe Colomb de Félicien David
© dr

Après sa Grande Ouverture d’hier, la vingt-et-unième édition du Festival Berlioz regagne La-Côte-Saint-André et la cour de son Château Louis XI où Les Siècles et son chef François-Xavier Roth font entendre Christophe Colomb de Félicien David. Nous sommes au Conservatoire de Paris en 1847, trois ans après le succès du Désert avec lequel le compositeur inventait un genre à mi-chemin entre l’oratorio et l’opéra : l’ode symphonique. Pour ce récit de la conquête du Nouveau Monde dont la conclusion est tout imprégnée des idéaux saint-simoniens, il convoque trois solistes vocaux, un grand chœur mixte, un orchestre et une voix parlée qui, au fil d’airs et de danses, structure les quatre parties de l’œuvre.

Vous l’aurez déjà compris : cette soirée est une production du Palazzetto Bru Zane grâce auquel nous découvrions cet hiver l’opéra Herculanum de Félicien David [lire notre chronique du 7 mars 2014] – sur ce musicien né en 1810 et disparu en 1876, nous vous recommandons la lecture de l’entretien que nous avions alors avec Alexandre Dratwicki (directeur scientifique du Centre de musique romantique française de Venise). On rappellera seulement qu’après des débuts plutôt difficiles jalonnés d’expéditions en Orient, il succèderait à Berlioz à l’Institut en 1869, et que l’enfant du pays le tint en assez grande estime pour écrire de lui « il pensa que si tout marche en avant, que si tout se modifie, se transforme, s’enrichit, s’accroît en puissance, l’industrie, les sciences, les langues, il était nécessairement enjoint à la musique, cet art le plus essentiellement libre de tous, et sous peine pour elle d’une léthargie semblable à la mort, de suivre l’impulsion générale. Il voulut être inventeur, il le fut » (cité par la brochure de salle).

C’est dans une inflexion prudente que François-Xavier Roth engage Le départ, premier épisode du livret à six mains de messieurs Chaubet, Méry et Saint-Étienne. Mais s’il convient de louer l’initiative, c’est avec la même passion qu’on regrettera les aléas d’un orchestre trop volontiers à côté de la note. Toujours de bonne volonté, l’oreille s’attardera à ses bois, de loin le pupitre le plus à jour. Pourtant, la réalisation ne manque pas de nuance, bien au contraire, comme en témoignent l’exquise subtilité timbrique par laquelle Les Siècles introduit La douce voix des génies, chœur de l’équipage au début de la deuxième partie (Une nuit des tropiques), ou encore les délicatesses flûtistiques sur trémolos des violons pendant Attendez la nouvelle aurore, discours de Colomb à ses troupes dans la séquence suivante (La révolte).

Au chapitre des désagréments, on ne taira ni l’insuffisance d’un soprano plus qu’approximatif dont, bercé du nord au sud par un vibrato contraire, le timbre hésite encore, ni le peu de prégnance d’un récitant peu convaincu lui-même dont chaque fin de phrase se noie dans des souliers percés.

Le principal n’est certes pas là, mais dans l’excellence du Vlaams Radio Koor, les choristes belges livrant une prestation remarquable pour le soin apporté à la dynamique, à la diction, au travail d’intentions tant dramatiques que musicales. Le chant de Julien Behr se révèle également source de plaisir, avec un timbre avantageusement clair, un style dûment cultivé et une gestion parfaite du souffle (la partition regorge de tenues redoutables que le jeune ténor assume sans mal). Enfin – et surtout ! –, le rôle-titre est confié au baryton-basse Josef Wagner [photo] dont la voix colorée possède la nécessaire autorité. Souverainement « déroulé », le phrasé domine, généreux, jusqu’à l’air final dont la solennité est somptueusement portée – Le voilà, ce rivage que vous avez conquis par un noble courage (Le nouveau monde).

Essentielle demeure la redécouverte de tels ouvrages. Ce Christophe Colomb s’avère à la fois héroïque et élégant, ce qui ne paraît pas si simple, au fond, et nettement plus intéressant que l’opéra Lalla Roukh [lire notre critique du CD]. Gardons en tête la languissante mélopée chorale de la troisième partie, pleine de danger (Un calme désolant, un silence de tombe) et la tendre sérénité du ballet (IV), par exemple.

BB