Chroniques

par gilles charlassier

Amadigi | Amadis
opéra de Georg Friedrich Händel

Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Paris
- 29 janvier 2019
À l'Athénée Théâtre Louis-Jouvet (Paris), Amadigi de Georg Friedrich Händel
© michael bunet

Le genre lyrique ne reste pas confiné dans les grandes maisons, pas toujours exemptes d’inerties diverses. Sous la houlette de Patrice Martinet, l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet propose une saison qui tire parti des contraintes d’une salle aux dimensions modestes, en explorant, souvent, un répertoire méconnu. Si le corpus händélien ne répond pas exactement à cette définition, Amadigi présenté par Jérôme Corréas et son ensemble Les Paladins, en coproduction avec cinq institutions franciliennes, participe du renouvellement des pratiques contemporaines du monde de l’opéra.

La modestie des moyens fait échapper à la tyrannie, parfois dispendieuse, du metteur en scène. Créé en 1715, à Londres – au moment où, en France, le Siècle du Roi Soleil rejoint sa sépulture – avec force machines prodigieuses, selon un usage baroque aujourd’hui traduit en conceptions à l’occasion iconoclastes, l’ouvrage déploie une profusion de sentiments, guerriers et amoureux, traduits ici avec une économie remarquable, à rebours du style originel. Pour ne pas être inédit, le minimalisme de la scénographie de Bernard Lévy pousse le dépouillement théâtral et visuel dans ses ultimes retranchements, propices sans doute à une tournée qui ne peut s’aventurer dans une logistique lourde. Habillés par Nathalie Prats, les personnages dévoilent leurs émotions et affects devant un panneau aux teintes modulées par les lumières de Christian Pinaud et le travail vidéographique de Patrick Garbit – incrusté, ainsi que le rappelle le programme, de projections textuelles par Romain Vuillet, qui ne traumatisent pas la mémoire. Les vertus symboliques des couleurs ne s’abîment pas, cependant, dans des correspondances trop stéréotypées et servent d’abord d’écrin aux numéros vocaux de solistes résumés à leurs propres cordes.

Dans le rôle-titre, Sophie Pondjiclis remplace, avec vaillance et intensité expressive, Rodrigo Ferreira, initialement prévu. L’équivalence entre mezzo et contre-ténor ne perturbe pas trop un équilibre dont la tradition interprétative fournit maint précédents, d’autant que l’homogénéité du timbre et de l’émission ne dépare point l’incarnation. En Oriana, Amel Brahim-Djelloul fait valoir le babil fruité et aérien qui caractérise sa séduction inimitable. Le soprano français touche par une sincérité évidente dans les tourments du cœur. Melissa jalouse, Aurélia Legay appuie un dramatisme qui prend le pas sur la balance stylistique. Ultime élément du quatuor amoureux, Dardano revient à la solide Séraphine Cotrez.

On le devine, avec cette distribution condensée : la réduction de la composante visuelle du spectacle se retrouve dans la partition, résumée à ses péripéties essentielles. La direction de Jérôme Corréas ne l’appauvrit pas pour autant, préservant la saveur des couleurs et des textures, au delà d’attaques çà et là un peu émulsionnées. La vingtaine de musiciens respire les affinités électives qui mêlent harmonieusement l’articulation dramatique de récitatifs jamais asséchés et la sensibilité des airs, évitant généralement toute redondance, comme autant de portraits sur fond d’abstraction scénographique, à peine meublée par deux figurants qui pourront titiller certaines jumelles.

GC