Chroniques

par bolognesi bertrand

Arabella
opéra de Richard Strauss

Théâtre du Châtelet, Paris
- 31 mai 2005
Arabella, opéra de Richard Strauss au Théâtre du Châtelet (Paris)
© marie-noëlle robert

Trois ans après sa création, la production que signait Peter Mussbach au Châtelet est reprise, chez elle, pour cinq représentations. Nous assistons à une dernière d'une grande classe, servie par une distribution des plus heureuses.

Dans le gigantesque hall doré conçu par Erich Wonder, qui place les protagonistes dans un espace de circulation plutôt que dans l'intimité d'un lieu clos, donnant lieu à une agitation fébrile dans l'enfermement de la situation théâtrale, évolue un plateau vocal rêvé dans une contagieuse complicité, soutenue avec précision et efficacité par les musiciens du Philharmonia Orchestra dirigés d'une main parfois lourde par Günter Neuhold – l'opulence de l'écriture de Strauss s'en trouve soulignée à juste titre, en oubliant plus d'une fois la suavité, au risque de couvrir les chanteurs.

Le metteur en scène, assisté de Tine Buyse, a pris soin de construire des personnages attachants, d'une criante humanité, pour cet ouvrage où l'amour, avec un humour amer, fait se croiser conte de fées et sordides arrangements matrimoniaux. Parmi cette gentille foule, le vaillant Will Hartmann campe un Elemér bon garçon, d'une voix particulièrement sonore, tandis qu'offrant un confort d'écoute comparable grâce à un timbre tant mordant qu'épais et subtilement coloré, Nicolas Courjal est un Lamoral drôle de fatuité. Doris Lamprecht propose une Cartomancienne tout à fait honorable et Chantal Perraud se joue magnifiquement des folles vocalises de Milli dont elle présente une irrésistible composition.

Le spectacle offre un sextuor de tête vraiment exceptionnel où seul Andrew Greenan en Waldner suscite quelques réserves : sans grave, avec un médium présent, les intervalles restent trop approximatifs. En pleine possession de ses moyens vocaux, Rosalind Plowright chante une Adelaide irrésistible, surtout lorsqu'elle est un peu saoule. Stephan Rügamer, conduisant un legato irréprochable, donne d'un timbre chaleureux un Matteo touchant qu'il sert d'un art sensible et avec un grand sens de la scène. Nous retrouvons Barbara Bonney qui, en immense comédienne, émouvante sans mièvrerie, incarne Zdenka jusqu'au vertige, malgré quelques soucis de soutien (heureusement vite résolus) venant masquer la couleur sur le début. S'épanouissant encore, la voix de Thomas Hampson emporte les suffrages, au service d'un Mandrika exquisément grand seigneur dans sa balourdise même, comme il se doit. Enfin, le rôle-titre est tenu par une Karita Mattila d’exception : posant prudemment les premiers pas, elle libère la voix dès la fin du premier acte, une voix qui la sacre reine de la soirée.

BB