Chroniques

par bertrand bolognesi

Béatrice et Bénédict
opéra d’Hector Berlioz

Opéra national de Bordeaux
- 7 avril 2003
Jean-Marie Villégier signe Béatrice et Bénédict (Berlioz) à Bordeaux
© sigrid colomyès

Une fois de plus, Jean-Marie Villégier signe une mise en scène pensée, approfondie, judicieusement structurée et amoureusement menée à terme du dernier ouvrage de Berlioz, coproduit par les maisons de Lausanne et Bordeaux. Avec Jonathan Duverger, ils ont revu les dialogues, rendant à César ce qui lui appartient, c’est-à-dire revenant à la verdeur du texte de Shakespeare, quitte à manquer de respect à la pruderie étonnante de l’audacieux compositeur. Pour résultat, un spectacle d’un dynamisme vertigineux à vous faire oublier le cadre et sa cérémonie. Et la salle rit, comme rarement à l’opéra. Le Leonato d’Alain Trétout n’y est pas pour rien : la vivacité du jeu et l’utilisation des avantages de sa voix témoignent d’une prodigieuse adresse à construire un personnage attachant et grotesque qui donne le ton. Cette production fait mentir ceux qui affirment trop facilement que les chanteurs sont mauvais comédiens. Peut-être sera-t-il plus juste de dire que restant vissé à cet a priori, aucun metteur en scène ne parvient à libérer leurs capacités de jeu - demandez à un acteur de chanter un air en lui lançant avec mépris que, de toute façon, quoiqu’il essaie, il n’y arrivera pas, et, en effet, il n’aura que peu de chances d’y parvenir.

Lorsqu’un tel travail convoque des artistes ouverts autant que talentueux, tout va pour le mieux. La Béatrice de Béatrice Uria-Monzon est piquante à souhait, midinette et sottement prise de vapeurs au deuxième acte, comme il se doit, présentant l’avantage d’un organe dont on ne fera plus l’éloge. De sérieux efforts de diction ont ravi. Bénédict est confié à Gilles Ragon dont la voix continue d’évoluer vers des emplois que nul aurait soupçonnés il y a quelques années, déployant un chant d’une parfaite homogénéité, servi par une diction exemplaire. Mireille Delunsch propose un chant plus prudent, joli de bout en bout, mais nettement moins engagé, en accord avec un rôle qui ne connaît pas de grande passion, et reste, somme toute, assez bourgeoisement conventionnel. Elle donne avec Élodie Méchain (Ursule) un duo nocturne d’une grande douceur. Le Claudio de Ivan Ludlow se montre attachant, d’ailleurs plus que le personnage à la lecture de l’œuvre (on ne parle pas d’amour dans le mariage Hero-Claudio, mais de contrat). Le duo Béatrice-Bénédict au premier acte – « Comment le dédain pourrait-il mourir ? Vous êtes vivant !… » – montre un soldat tout occupé à changer le pansement d’un petit bobo à l’index droit, héroïque blessure de guerre, tâche dont se charge finalement sa redoutable et vieille compagne de joute, non sans le martyriser un brin, ce qui nous vaut une interprétation toute particulière de certains aigus. Appréciable, également, le débonnaire Don Pedro de Jérôme Varnier, fiable, comme toujours. Le trio de l’Acte I (n°5 sur la partition) est imaginé comme une scène d’étuve, ce qui occasionne un climat bon enfant et taquin, tout à fait d’à propos, entre les trois garçons.

Enfin, saluons les musiciens de l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine qui se révèlent scrupuleusement fidèles à Berlioz, sous la direction cependant peu investie de Jean-Yves Ossonce. Quant aux maladresses du chœur, tant de jeu que de justesse, elles se font avantageusement dépasser par une grande bonne volonté à défendre l’ouvrage.

BB