Chroniques

par gilles charlassier

bon anniversaire, John Adams !
création de Steady hand de Timo Andres

Britten Sinfonia, Synergy Vocals, Benjamin Shwartz
Barbican Center, Londres
- 25 février 2017
le chef britannique Benjamin Shwartz joue la musique de John Adams
© nurit mozes

L'aura de John Adams dépassant largement les frontières de la fédération aux cinquante étoiles, comme celle d'un minimalisme dit américain, il n'est guère surprenant de voir la célébration du soixante-dixième anniversaire d'un des compositeurs étasuniens les plus significatifs des dernières décennies investir les salles européennes, au delà du genre lyrique qui a substantiellement contribué à sa gloire [lire notre chronique du 18 avril 2012]. Ainsi en est-il du concert londonien de ce samedi 25 février au Barbican Center, qui s'inscrit dans le cycle Sounds that changed America.

La soirée s'ouvre avec la Chamber Symphony qui assume, jusqu'au titre, sa parenté avec l'opus 9 de Schönberg. En témoigne la description par Adams lui-même de la genèse de sa pièce. Alors qu'il étudie la partition du Viennois, son fils Sam est assis devant des cartoons des années cinquante : « les hyperactives, agressives et acrobatiques partitions pour les cartoons se mêlaient dans ma tête avec la musique de Schönberg, elle-même hyperactive, acrobatique et passablement agressive, et je me rendis compte combien ces deux traditions avaient en commun ». Séquencée en trois mouvements, l'œuvre d'une quinzaine de minutes met en valeur une virtuosité polyphonique sculptée avec une précision sans emphase par Benjamin Shwartz [photo] et le Britten Sinfonia. Entre le tourbillon initial de Mongrel airs et l'énergie de Roadrunner, Aria with walking bass tresse une savoureuse ouate rythmique [lire notre chronique du 10 juillet 2014].

Commande du Barbican Center et du Britten Sinfonia pour l'anniversaire de John Adams, Steady hand pour deux pianos et orchestre de Timo Andres (né en 1985) – qui interprète lui-même sa création aux côtés de David Kaplan – regarde pourtant moins en direction du foisonnement des tempi cher au dédicataire célébré que vers les hypnoses ciselées d'un Reich ou d'un Riley, voire parfois les monochromes à la Glass. Construit en deux parties jouées dans la continuité, Groundwork et Bruckner Boulevard (aucun lien avec la transcendance minérale du maître de Sankt Florian), le produit, calibré avec attention, ne manque pas de caresser l'oreille avec son argentique sonore en noir et blanc, à défaut de proposer de véritables innovations intellectuelles. On saluera cependant une performance soignée.

Après l'entracte, Music in similar motion de Philip Glass, dans une version que ce dernier a réorchestrée en 1981, quatorze ans après le prototype, offre un avatar de l'efficacité quasiment industrielle de la production du Nord-américain : la constance monolithique de la plénitude acoustique ne se relâche jamais. Enfin, le Grand Pianola Music d'Adams réunit les deux pianistes aux solistes des Synergy Vocals dans une page tripartite où l'auteur se révèle encore tributaire des procédés de ses prédécesseurs minimalistes : en miroir de la Chamber Symphony, on mesure, presque à rebours du programme, la diversité et l'évolution d'un champ esthétique.

GC