Chroniques

par gérard corneloup

Bouzignac, Charpentier, Deladande et Lully
Hugo Reyne dirige La Simphonie du Marais

Festival de La Chaise-Dieu / Abbatiale Saint Robert, La Chaise-Dieu
- 22 août 2012
le hautboiste et chef d'orchestre Hugo Reyne ouvre le Festival de La Chaise-Dieu
© guy vivien

Pilier du monde des festivals français, l’édition casadéenne 2012 a justement été placée sous le signe de la musique française, label avec lequel le jeune directeur Jean-Michel Mathé signe sa dernière année en ces lieux. Ce qui peut être considéré comme un volet d’importance en la matière, la musique du Grand Siècle scelle le concert d’ouverture, donné, comme il se doit, sous les voutes grandioses, et dans l’acoustique réverbérante que l’on sait, de la célèbre abbatiale.

Musique de commande, donc, musique de cour, musique du culte – aussi royal qu’officiel –, musique de fête – au besoin celle qui célèbre une victoire chèrement acquise par les troupes du roi et maître… avec les victimes à la clé – ,musique le plus souvent « à la botte », ce qui n’exclut pas la qualité des partitions, bien au contraire.

Pour cette évocation, le chef et musicologue Hugo Reyne a fait un original et judicieux choix : mêler la musique officielle mise à l’honneur par le règne de Louis XIII, et de Richelieu, son redoutable cardinal de ministre, à celle jouée sous son successeur Louis XIV, plus imposante, plus copieuse, plus charpentée, bref plus « louis-quatorzienne ». Pour le premier, le choix s’est porté sur un maître aussi mal connu que bien oublié, Guillaume Bouzignac, et sur sa Cantate Domino, sorte d’évocation du long, fameux et terrible siège de La Rochelle, en 1628, sous l’égide de Richelieu lui-même. Les troupes victorieuses entonnent évidemment la gloire du roi, mais les vaincus clament également leur douleur dans trois petits motets de souffrance, exhumés du fond Bouzignac pour l’occasion, avant que les réjouissances vocales ne concluent l’évocation dans deux motets dotés d’une belle richesse harmonique… à la joie officielle parfois tout de même un peu embuée dans la tristesse. Puis la promenade entre de plain-pied dans la célébration royale, en l’occurrence celle du Roi Soleil, avec les pompes et les œuvres du célébrissime Te Deum de Charpentier.

Le second volet, et donc la seconde confrontation, associe deux partitions plus complémentaires. D’une part un Jubilate Deo de 1660, motet écrit par Lully à l’occasion du mariage (tout à fait arrangé) de Louis XIV, avec la toute jeune Marie-Thérèse d’Espagne ; d’autre par un autre Te Deum du temps, celui de Deladande, moins connu, mais qui vaut bien le premier. Deux bons choix, donc, qui ne nécessitaient sans doute point que le concepteur et conducteur du programme prît le micro pour en longuement parler et signaler les disques qu’il en réalisa… en vente dans toutes les bonnes boutiques (évidemment), à commencer par l’entrée du lieu saint.

Reste la partie exécution, à la fois musicale et vocale.
Hugo Reyne sait fort bien faire travailler, faire attaquer, faire éclater, faire diminuer, faire (relativement) se mêler les divers pupitres des musiciens de sa Simphonie du Marais. Il bénéficie d’un excellent pupitre de cordes, de cuivres baroques point trop en rupture de tonalité et, surtout, d’un continuo d’une eau superbe, comme on aimerait en entendre beaucoup. Il lui manque une personnalité, un charisme, une présence qui aille chercher, jusque au fond de chacun, chœurs compris, la quintessence de l’expression.

Côté solistes, la même carence de cohésion s’avère manifeste. On a connu Stéphanie Révidat plus à l’aise, les aigus d’Anne Magouët sont tranchants comme le verre, le vibrato de la haute-contre François-Nicolas Geslot est vraiment devenu encombrant. À côté de la musicalité du ténor Sébastien Obrecht, le jeune baryton Aimery Lefèvre sauve le quintette du naufrage. Émission à la fois solide et souple, stabilité des graves, fraicheur des aigus, tout y est ; mais c’est l’arbre qui peine à cacher une forêt monochrome. Or l’ennui naquit d’un jour d’uniformité…

GC