Chroniques

par isabelle stibbe

Cendrillon
opéra de Jules Massenet

Opéra Comique, Paris
- 5 mars 2011
© élisabeth carecchio

Il était une fois… une Cendrillon au destin bien injuste. Créé à l’Opéra Comique en 1899, cette œuvre de Massenet (1842-1912) a connu son heure de gloire avant de disparaître presque complètement de la programmation des théâtres. C’est pourtant un petit bijou de la musique française que s’attache à faire revivre aujourd’hui son lieu de naissance, fidèle à sa mission de gardien du répertoire. La partition dispose également d’un bon avocat en la personne de Marc Minkowski qui eut le coup de foudre pour l’ouvrage. S’il recèle d’innombrables pièges, c’est néanmoins la séduction qui prime, tant Cendrillon regorge de couleurs et de styles. Il arrive qu’emporté par une passion on ne soit pas le meilleur serviteur d’une œuvre. C’est tout l’inverse avec ce chef qui affirme une baguette généreuse dès les premières notes et porte d’un bout à l’autre cette partition à la tête de ses Musiciens du Louvre.

L’enthousiasme étant généralement contagieux, la mise en scène laisse transparaître la même énergie, la même envie de rendre justice à cet opéra. Benjamin Lazar puise son inspiration dans le cinéma de Méliès et dans la Fée électricité. Si sont absentes les bougies qui firent la marque de fabrique de ses spectacles baroques, on retrouve le même désir de donner à voir un spectacle total. Du théâtre sa mise en scène emprunte une direction d’acteurs enlevée qui contribue pour beaucoup à la réussite de la soirée. Une mention spéciale doit être notamment décernée à Ewa Podlès dont la voix de poitrine et la présence imposante incarnent une mère abusive redoutable et drôle à la fois. Le traitement des sœurs de l’héroïne est également intéressant : loin d’être les méchantes filles du conte de Perrault, voire du dessin animé de Disney, elles apparaissent davantage comme de pauvres victimes de leur terrible maman.

Les ballets qui jalonnent les actes II et III sont traités avec soin et non comme des passages obligés. Si la technique des danseurs n’est pas des plus parfaites, les chorégraphies de Cécile Roussat et Julien Lubeck contribuent, par leur légèreté, à rendre l’atmosphère féerique.

Quant à la musique, elle est assez bien servie par les voix.
Les interprètes sont presque tous jeunes mais ne déshonorent en rien l’école de chant française. Le rôle-titre est confié en alternance à un soprano et à un mezzo. Lors de la première, c’était le soprano Judith Gauthier qui interprétait Cendrillon. Si la voix est saine, le médium bien placé et le jeu convaincant, on regrette une raideur dans les aigus qui apporte une acidité au timbre. Aucune réserve, en revanche, à l’égard du timbre plus moelleux de Michèle Losier (le Prince charmant) qui est une jolie découverte. Laurent Alvaro remplace quasiment au pied levé Franck Leguérinel dans le rôle de Pandolfe. On aime, comme toujours, sa diction claire et son timbre sonore, même s’il déçoit un peu par un manque de souplesse. En revanche, l’on n’apprécie pas du tout Eglise Gutierrez (la Marraine) dont la voix engorgée et la mauvaise articulation tranchent nettement avec le reste de la distribution.

Malgré ces quelques défauts, ne boudons pas notre plaisir car, en définitive, les fées qui se sont penchées sur ce spectacle furent assez prodigues.

IS