Chroniques

par bertrand bolognesi

Christian Thielemann dirige la Staatskapelle Dresden
Concerto Op.64 de Mendelssohn par Frank Peter Zimmermann

Jubel-Ouvertüre Op.59 de Weber – Symphonie D.944 n°9 de Schubert
Osterfestspiele Salzburg / Großes Festspielhaus
- 15 avril 2019
Osterfestspiele Salzburg 2019 : Christian Thielemann joue Weber, Schubert, etc.
© ofs | matthias creutziger

C’est à Dresde que fut créée la Jubel-Ouvertüre Op.59 de Carl Maria von Weber, le 20 septembre 1818, à peine neuf jours après son achèvement. Cette première entrait dans le cadre de la célébration des cinquante ans de règne de Friedrich-August der Gerechte, souverain de Saxe. Quoi de plus naturel que la Staatskapelle la maintienne hardiment à son répertoire jusqu’à nos jours ? Élégamment menée par Christian Thielemann, cette page, qui vient remplacer la découverte d’un nouvel opus de Sofia Goubaïdoulina initialement prévue mais non livrée, prolonge le plaisir vécu avant-hier avec les Meistersinger von Nürnberg [lire notre chronique du 13 avril 2019]. La partie de clarinette est délicatement mise à nu, dans une lecture gracile qui ne dédaigne pas, puisqu’il le faut, une certaine pompe, jusqu’au surgissement de God save the King.

Restons en Saxe, puisque le Concerto pour violon en mi mineur Op.64 n°2 de Felix Mendelssohn vit le jour à Leipzig, le 13 mars 1845. Frank Peter Zimmermann a rejoint l’orchestre et se lance dans une interprétation rigoureuse, presque droite, de l’Allegro molto appassionato qui entame l’œuvre. Sans raideur, une tonicité décisive caractérise la présente version où le son généreux du soliste est rehaussé par les riches couleurs des pupitres, notamment les bois, simplement exquis. Si la cadence violonistique ne convainc pas pleinement, le beau travail de nuances instillé par le chef berlinois magnifie ce premier mouvement. Les bassons enchaînent subtilement l’introït de l’Andante dans l’accord final. Bientôt naît le célèbre Lied ohne Worte que Zimmermann soigne d’une sonorité infiniment tendre. Puis l’invraisemblable patinoire du troisième chapitre s’effectue sans faille, ici dotée d’autant de relief et de péripéties qu’une scène de ballet. Après cette haute voltige, le violoniste offre Béla Bartok en bis, auquel le public réserve une écoute des plus concentrées.

Après l’entracte, nous retrouvons l’excellence des musiciens de la Staatskapelle Dresden dès l’appel de cors, parfait, qui invite la Symphonie en ut majeur D.944 « Die Große Sinfonie » de Franz Schubert que Mendelssohn a créée au Gewandhaus de Leipzig le 21 mars 1839, treize ans après la disparition de son auteur. L’Andante bénéficie d’une douceur ineffable qui confine presque à la sensualité. Sans rien appuyer, Thielemann et ses complices le font avancer avec un sens inouï de l’architecture. La seconde partie du mouvement, Allegro ma non troppo, laisse admirer une ciselure extrêmement raffinée, dans une conception fort ténue qui – on se demande comment ! – parvient à s’avérer tant légère que martiale. Subtilement nuancé, le Lied du hautbois est une merveille en soi. Cette balade bientôt altière est conduite dans une noblesse infinie. Comme peut souvent l’être Beethoven, si cher à Schubert, l’épisode se révèle tragique et passionné. Après le Sforzato paroxystique, le développementdes cordes est étrangement serein et fluide, presque inquiétant de dépouillement et de sobriété. Leste, le Scherzo, volontiers dru, prend des allures de danses très souples. Jubilatoire, le Finale s’impose par la diversité des timbres et une sorte d’impératif qui tend au charisme, décuplé par la citation de l’ode de la Neuvième de Beethoven. Un très grand moment !

BB