Chroniques

par gilles charlassier

Christian Zacharias et l’English Chamber Orchestra
œuvres de Ludwig van Beethoven et Arnold Schönberg

Queen Elizabeth Hall, Londres
- 29 octobre 2018
Beethoven et Schönberg par Christian Zacharias et l’English Chamber Orchestra
© dr

Les vacances scolaires sont souvent une période de creux dans la programmation musicale. S'ils ne sont pas oubliés, les appétits mélomanes n'ont pas à affronter des choix cornéliens qui les font négliger des formations de qualité, mais non sur le même front de visibilité médiatique que les plus prestigieuses phalanges. Face à la primeur accordée au genre lyrique et aux grandes fresques symphoniques, l'English Chamber Orchestra ne se contente pas de défendre le répertoire classique auquel prédestine sa géométrie. Dans le cadre de sa saison londonienne, en témoigne le concert inaugural dirigé par Christian Zacharias au Queen Elizabeth Hall, dans le complexe de Southbank Center, sur la rive droite de la Tamise qui ne laisse pas à l'autre bord du fleuve l'exclusivité de l'offre culturelle de la capitale britannique.

La soirée s'ouvre sur un spicilège de mouvements du ballet de Ludwig van Beethoven,Die Geschöpfe des Prometheus Op.42 (Les créatures de Prométhée, 1801). L'héroïsme de la partition respire dès l'Ouverture, approchée sans grandiloquence aucune. Les saveurs des pupitres colorent le Poco adagio – Allegro con brio qui suit, avant un alerteMinuetto indiqué Allegro vivace. L'ultime séquence, Andantino – Adagio – Allegro, affirme un équilibre dans la continuité d'un geste efficace, attentif à l'essentiel, sans l'assécher à ses grandes lignes.

L'intelligence du choix dans la balance du programme se vérifie avec la révision pour orchestre à cordes qu’Arnold Schönberg a lui-même réalisée de son sextuorVerklärte Nacht Op.4 (La nuit transfigurée), en 1943, plus de quarante après la création de l’œuvre à Vienne, au tournant du siècle. L'instinct chambriste s'entend dans l'attention mutuelle que les pupitres anglais s'accordent l'un à l'autre, mettant en valeur avec un naturel évident la fluidité naturelle et narrative de cette page, livrée en un souffle unique habilement modulé et accompagnée du geste plus qu'autoritairement dirigé par Christian Zacharias.

Après les effluves postromantiques, ici nocturnes plutôt que vénéneuses, on retrouve ce dernier au clavier d'où il dirige le Concerto pour piano en ut mineur Op.37 °3 de Beethoven. L'énergie de l'Allegro con brio initial n'omet pas de conjuguer dramatisation expressive et précision de l'articulation, jusque dans une cadence sans esbroufe. Le Largo impose sagement une poésie jamais mièvre avant unRondo final d'une indéniable vitalité. L'interprétation historiquement informée n'a pas le monopole de la clarté dans ce qui est référencé comme le classicisme viennois et, à l'écoute de la présente lecture, on reconnaît combien l’English Chamber Orchestra peut être compté, depuis bientôt six décennies et sans dogmatisme aucun, comme l'un des pionniers dans cette voie, depuis son premier directeur musical, un certain Benjamin Britten.

GC