Chroniques

par bertrand bolognesi

Demofoonte | Démophonte
opéra de Niccolò Jommelli

Opéra national de Paris / Palais Garnier
- 16 juin 2009
© fred toulet | opéra national de paris

Pour sa première immersion dans la fosse de Garnier, Riccardo Muti a souhaité servir la musique napolitaine qu’il défend, et pour ce faire a choisi Demofoonte, mis en musique par Niccolò Jommelli en 1774. C’est à Vienne, en 1749, que le compositeur rencontra Métastase qui, seize ans plus tôt, signait le livret de Demofoonte pour Caldara, un texte à féconder plus d’une cinquantaine d’opéras par la suite. Donnée d’abord à Salzbourg, la ville d’un Mozart fort impressionné par sa rencontre avec Jommelli lors d’un voyage à Rome (1770), la production que nous découvrons ce soir (et qui partira bientôt pour Ravenne) est signée Cesare Lievi.

Disons-le d’emblée : le décor de Margherita Palli suspend assez génialement les destinées, ce qui n’est pas peu dire lorsqu’il s’agit d’un livret aux rebondissements rocambolesques. Mais, au-delà de ce qu’il parvient en effet à raconter, il demeure inanimé. Ne cherchons pas de théâtre dans cette conception-là, aussi esthétique soit-elle, et tout ira pour le mieux.

La déception se poursuit à l’écoute des voix. Sont ici réunis de jeunes chanteurs, dont certains issus de la scène baroque – ou, dirons-nous, d’un certain savoir-faire en ces matières. Pourtant, le chef italien nourrit une approche que n’oserait défendre aucun autre aujourd’hui. Certes, Demofoonte est préclassique et non baroque, mais cela même induit bel et bien que le chant qu’il développe vienne de ce qui le précédait et non de ce qui suivra. Pour le coup, c’est de galettes gravées il y a quarante ans qu’il survient ce soir. N’est-ce pas mettre en danger la prestation de ces jeunes voix ? Ce que nous entendons le prouve aisément. Aussi se gardera-t-on de détailler leurs prestations, partant qu’elles sont victimes d’une contradiction majeure dont il serait injuste de leur incomber la responsabilité.

À la tête de l’Orchestra Giovanile Luigi Cherubini, le maestro conduit une interprétation délicatement accentuée dont il soigne amoureusement les équilibres pupitraux, évitant de trop marquants contrastes. La démonstration s’avère probante : oui, il y aura bien de cette musique dans celle de Mozart ; oui, Jommelli s’est affranchi de certains canons pour, en introduisant des habitus français, oser ce qui fera le bonheur de ses héritiers.

BB