Chroniques

par irma foletti

Der fliegende Holländer | Le vaisseau fantôme
opéra de Richard Wagner

Badisches Staatstheater, Karlsruhe
- 28 février 2023
Der fliegende Holländer, opéra de Richard Wagner à Karlsruhe
© arno kohlem

Der fliegende Holländer mis en scène par Ludger Engels [lire notre chronique de Die Vorübergehenden] fait partie des nouvelles productions 2022/23 du Badisches Staatstheater de Karlsruhe qui la créa le 10 décembre dernier. L’impression visuelle est plus que mitigée à l’issue de la représentation, en particulier au premier acte joué sur un plateau désespérément vide, si ce n’est la présence d’un piano au centre. Les marins de Daland en démontent allègrement l’intérieur, puis en tirent des cordes pour balader leur capitaine monté sur cet instrument à roulettes. À l’arrière du grand rideau noir qui s’agite, on devine une passerelle qui sera très peu utilisée. La mise en place des choristes semble quelque peu empruntée, et plusieurs images laissent songeur, comme le Timonier qui, tout joyeux, se pare des bijoux proposés par le Hollandais, ou encore les marins qui tournicotent sur eux-mêmes.

L’arrivée, au deuxième acte, des couturières en perruque blonde et habit dans les tons rose-rouge donne au moins quelque chose à voir, même si le tableau des ouvrières assises derrière leur machine à coudre n’est pas vraiment une nouveauté parmi les récentes productions de cet opéra. D’autres femmes préparent des compositions florales pour décorer le podium placé en fond de plateau, où trône un piano rose. C’est ensuite la fête qui bat son plein, à l’Acte III, ballons qui volent, serpentins, tutus pour les femmes dans ce qui ressemble à l’enterrement de la vie de jeune fille de Senta, avec la foule qui se trémousse en rythme. Le finale est heureusement resserré sur les protagonistes, l’estrade étant poussé sur l’avant de la scène à partir de l’intervention d’Erik, avant qu’apparaissent, pour conclure, les morceaux du piano, suspendus aux cintres. Tout aussi énigmatique est d’ailleurs la mention 14+ indiquée sur les affiches et le programme de salle, autrement dit un spectacle recommandé aux plus de quatorze ans : trop de violence dans la destruction du piano ? ou encore trop d’émotion à la vue de ces innombrables tutus rose ?

La distribution vocale est dominée par la Senta de Dorothea Herbert, soprano puissant au timbre de qualité. Après une rapide mise en place de l’intonation sur les premières notes, l’interprète développe un chant de grande ampleur, au vibrato maîtrisé. Bien plus baryton que basse, l’Hollandais de Joachim Goltz sonne plutôt clair de timbre dès son entrée, Die Frist ist um, avec une projection logiquement plus éclatante dans l’aigu que le grave, certaines notes parmi les plus basses étant difficilement audibles. Konstantin Gorny compose un Daland particulièrement mordant dans ses attaques, puissant et autoritaire dans l’accent, mais mis régulièrement en difficulté par les moments mezza voce, perdant en maîtrise et densité du son dès qu’il faut alléger [lire nos chroniques d’I puritani, Rigoletto, La Gioconda et Parsifal]. Annoncé malade avant la représentation, le ténor Stephan Rügamer ne paraît pas, en effet, dans sa meilleure forme en Erik, s’exprimant avec un timbre particulièrement nasal, mais il tient toutefois son rôle jusqu’au bout [lire nos chroniques d’Arabella, Le joueur, Königskinder, La fiancée du tsar, Das Rheingold à Milan et à Berlin, puis de Siegfried]. Très belle impression, en revanche, que celle générée par l’autre ténor, Nutthaporn Thammathi, Timonier à la voix bien placée et qui projette, tandis que Julia Faylenbogen est une Mary plus effacée [lire notre chronique de Dionysos].

Les artistes du Badischer Staatsopernchor produisent une prestation de bonne tenue globale, les marins chantant très spinto, mais rencontrant de menus problèmes de coordination au dernier acte, lorsqu’ils sont séparés de part et d’autre du podium. On sent également l’œuvre de Wagner dans la tradition de la Badische Staatskapelle, avec toutefois certains passages ralentis par Georg Fritzsch, quitte à donner le sentiment de petites accélérations à d’autres instants [lire notre critique de Lázaro]. On entend une direction musicale assez classique, sans effets de contraste ou relief particulier, dans une nuance le plus souvent forte et d’un bon niveau technique général, mis à part de passagères faiblesses au cor solo pendant le duo Senta/Holländer du II.

IF