Chroniques

par gilles charlassier

Don Carlo
opéra de Giuseppe Verdi

Opéra de Marseille
- 14 juin 2017
Lawrence Foster joue Don Carlo (1884), l'opéra de Verdi révisé pour Milan
© christian dresse

Coproduit avec l'Opéra national de Bordeaux, où il fut présenté dans les murs de l'auditorium en ouverture de la dernière saison de Thierry Fouquet, le Don Carlo – donc la coutumière version italienne de l'ouvrage de Verdi – réglé par Charles Roubaud retrouve, à l'Opéra de Marseille, où il referme l'exercice lyrique 2016-2017, un plateau au format plus usuel.

Plutôt que de céder à la pompe du carton-pâte, le metteur en scène français a choisi de reconstituer par vidéographie interposée, conçue par Virgile Koering, les solennités de la cour d'Espagne, sans avoir besoin de s'appesantir au delà du nécessaire sur quelque obsession cruciforme pour faire ressentir la prégnance du pouvoir religieux. Dessinée par Emmanuelle Favre, la scénographie fait ainsi passer du marbre de San Yuste aux frondaisons des jardins de la reine, de la nef pesamment dorée de Valladolid à la solitude du cabinet royal et aux grilles de la prison, avant de se refermer sur la minéralité du cloître, laquelle se désintègre au tomber du rideau, confondant l'illusion théâtrale en un avatar de quelque jeu sur console.

Tandis que les costumes de Katia Duflot s'accordent à l'essence historique du drame, les lumières réglées par Marc Delamézière mettent en relief cette modernisation de l'illustration de Don Carlo, qui présente l'avantage d'en respecter le génie procédant par tableaux successifs plutôt que selon une narration continue, jusque dans une direction d'acteurs d'une efficace et synchrone picturalité.

À quelques exceptions près, essentiellement l'Eboli à la densité maîtrisée de Sonia Ganassi, la distribution vocale ne compte que des prises de rôle. En Elisabetta, Yolanda Auyanet fait preuve d'un lyrisme conséquent au fil de la soirée. Teodor Ilincăi, que la cité phocéenne a plus d'une fois invité, s'investit dans l'impulsivité affective de l'Infant, au prix sans doute d'une adaptation progressive de l'émission, compensée par une immédiate luminosité latine. Excellant dans les personnages complexes, à l'exemple d’Hamlet, le raffinement psychologique de Jean-François Lapointe se révèle presque à l'étroit en Rodrigo. On n'en appréciera pas moins le luxe de son Posa à la vocalité intègre et nourrie. Pour son premier Philippe, Nicolas Courjal affirme de prometteuse ressources qui, avec la patine de quelques années, se libéreront d'une discrète raideur dans la souveraineté pour laisser s'épanouir l'autorité onctueuse et torturée qui affleure dans l'incarnation. La verticalité sans faiblesse du solide Wojtek Śmiłek épargne le Grand Inquisiteur de la grisaille qu'on lui inflige parfois.

Les comprimarii ne sont pas en reste.
Carine Séchaye affirme un Tebaldo d'une fraîcheur précise. L'intervention de la voix céleste, dévolue à Anaïs Constans, ne manque pas de la transparence attendue. Patrick Bolleire fait un moine en équilibre entre l'ici-bas et l'outre-tombe, quand Camille Tresmontant et Éric Vignau, respectivement Héraut et Lerma, ne déméritent aucunement. Mentionnons les six députés flamands – Guy Bonfiglio, Lionel Delbruyère, Jean-Marie Delpas, Alain Herriau, Anas Séguin et Michel Vaissière. Préparé par Emmanuel Trenque, le Chœur participe de la plénitude du spectacle qu'accompagne la direction de Lawrence Foster, à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille.

GC