Chroniques

par bruno serrou

Elektra | Électre
opéra de Richard Strauss

Grand Théâtre, Genève
- 19 novembre 2010
© gtg | vincent lepresle

C’est une fois encore une Elektra tronquée de vingt minutes que propose le Grand Théâtre de Genève. A croire que deux dialogues d’Elektra avec sa mère Klytämnestra seraient trop longs pour les gorges des cantatrices d’aujourd’hui, et que celui, aux contours homosexuels, de la même Elektra avec sa sœur Chrysothemis pourraient choquer les âmes sensibles… Du coup – et malgré l’autorisation arrachée à Richard Strauss du bout des lèvres –, la partition semble toujours plus longue qu’elle l’est en vérité, les coupures étant souvent faites en dépit du bon sens.

La scénographie de Roland Aeschlimann, énorme cube symbolisant le palais des Atrides allant se fissurant et tournant continuellement sur lui-même de façon prosaïque, est par trop encombrante, bien qu’il ne s’y passe pas grand-chose à l’intérieur. Tant et si bien qu'il ne reste aux chanteurs qu’une avant-scène étriquée pour s’exprimer et se mouvoir, tandis que les cris d’effroi et les rires sarcastiques de Clytemnestre et d'Egisthe qui s’y font entendre sont insupportablement amplifiés artificiellement. La direction d’acteur de Christof Nel, autant qu’au premier tableau le rappel mimé des origines du drame, ne peuvent transcender l’impression de froide inhumanité qui émane de cette production et qui empêche le spectateur de pénétrer dans son univers terrifiant de haine et d'amour.

Familier du rôle-titre, le soprano louisianais Jeanne-Michèle Charbonnet ne parvient pas à donner chair à l’Electre de douleur et de haine dans ses rapports avec sa mère et sa sœur, et sa voix est trop sujette au vibrato et ses aigus sont fragiles, mais son finale, à partir de la scène de la reconnaissance d’Oreste, est remarquable d’intensité, de fièvre, de musicalité. Le soprano hongrois Eva Marton est une Clytemnestre monolithique et sans réelle présence, mais son vibrato est plus contrôlé qu’au temps de sa splendeur. Ainsi, dans le trio féminin central, c’est l’étatsunienne d’origine suédoise Erika Sunnegardh, voix d'une éblouissante beauté, qui s’impose dans une magnifique Chrysothemis, rôle certes quasi impossible à dénaturer mais qu’elle exalte de son timbre chaud et lumineux. Le baryton letton Egils Silins est un Oreste convainquant, tout comme le ténor tchèque Jan Vacik en Egisthe. Au pupitre, Stefan Soltesz reste trop en dehors de cette hallucinante partition dans laquelle l’Orchestre de la Suisse Romande peut néanmoins montrer ses qualités de coloriste.

BS