Chroniques

par françois cavaillès

Faust
opéra de Charles Gounod

Opéra Grand Avignon
- 9 juin 2017
reprise du Faust (Gounod) de Nadine Duffaut à l'Opéra Grand Avignon
© acm-studio delestrade

À la tête de la maison avignonnaise depuis 1974, Raymond Duffaut fait revivre un grand personnage du passé, Faust, via l’ouvrage éponyme de Charles Gounod (créé en 1859 au Théâtre Lyrique de Paris), pour clore le très long feuilleton des productions dont il fut l’instigateur dans la cité vauclusienne. Ce chef-d’œuvre du lyrisme français, au charme suranné mais encore fort, est aussi la dernière œuvre donnée dans le théâtre historique situé sur la Place de l'Horloge, avant sa fermeture pour restauration au cours des deux prochaines années – une salle éphémère est heureusement prévue pour le bonheur continu des plus fidèles amoureux de l'opéra. Ainsi le rendez-vous a-t-il la saveur d'une réunion entre vieux amis, avec l'impression délicieuse de prolonger le plaisir jusqu'à son maximum.

Faust s'impose alors comme la juste récompense aux romantiques de toujours, et ce grâce aux chanteurs, en premier lieu. D'entrée, le meilleur est offert par le ténor Antoine Normand qui dote le vieux Faust d'un verbe charmant et mélodieux. Un peu moins expressif et théâtral, le Méphistophélès campé par Jérôme Varnier se libère principalement dans la chanson du veau d'or, comme pour bien planter le décor du cabaret, à l’Acte II. Une prise de rôle ardue qui contraste avec les performances plus assurées du soprano Nathalie Manfrino, sincère et sensuelle Marguerite, du mezzo Marie-Ange Todorovitch, drôle et tonique en Dame Marthe, du ténor Florian Laconi en Faust délicat et galant, enfin du baryton Lionel Lhote, noble et clair Valentin.

En fait, par la très sobre mise en scène signée Nadine Duffaut, on reste pour une très grande partie de la soirée dans l'environnement fermé du cabinet faustien, meublé surtout d'un prie-Dieu géant où gît, comme alité, le vieux savant tenté par la jeunesse. La magie opère plutôt, dès le premier appel vertueux lancé au pauvre héros, dans la superbe harmonie entre le chœur et l'orchestre maison. Entre sagesse et ténèbres, espérance et tentation suicidaire, allégresse et chasteté, tout est bien dit dans la fosse, sous la baguette d'Alain Guingal, chef qui fait honneur à la partition de Gounod.

Une atmosphère enflammée se crée enfin au dernier acte, dans la nuit de Walpurgis joliment illuminée avec une petite touche psychédélique. Tout en beauté plastique et en parfaite cadence, le Ballet de l'Opéra Grand Avignon rivalise de créativité jusqu'à paraître sophistiqué, étourdissant... de très intéressantes danses non sans âme, comme au vieux rendez-vous du pont Saint-Bénézet.

FC