Chroniques

par laurent bergnach

Faustus, the last night | Faust, dernière nuit
opéra de Pascal Dusapin

Théâtre du Châtelet, Paris
- 16 novembre 2006
Faustus, the last night, opéra de Pascal Dusapin, vu au Châtelet (Paris)
© marie-noëlle robert

Alors que certaines scènes lyriques parient sur la polémique pour rafraîchir leur fond de commerce, d'autres se vouent réellement à la création, en profondeur et sans esbroufe. C'est le cas du Théâtre du Châtelet qui, ces dernières années, proposa des raretés telles The Bassarids et Pollicino (Hans Werner Henze), Angels in America (Péter Eötvös) ou encore Le luthier de Venise (Gualtierro Dazzi). Son nouveau directeur général, Jean-Luc Choplin, souhaite « le renouveau dans la continuité », si bien qu'aujourd'hui, pour qui n'aurait pas assisté aux représentations berlinoises puis lyonnaises, c'est l'occasion de découvrir Faustus, the last night, opéra en une nuit et onze tableaux de Pascal Dusapin. Le livret s'inspire en priorité d'une pièce de Christopher Marlowe (1588), mais emprunte aussi à celle de Gertrude Stein, Doctor Faustus Lights the Lights (1951), à Dante, Hölderlin, Melville, Flaubert, Nerval, Beckett, etc.

Si l'argument choisi est plus familier que ceux de To be sung (1994) et Perelà, uomo di fumo (2003), le traitement général puise à la même source. Sous l'œil apeuré d'un ange, porté par une musique sensuelle et mélancolique – le premier tiers repose principalement sur un flux et un reflux de cordes –, l'échange du damné avec Méphistophélès semble deux monologues entrecroisés, tissu d'allégories, de formules latines et de réflexions mystico-scientifiques, somme toute assez hermétiques. Pour Dusapin, « il n'était pas question de raconter cette histoire […]. Simplement la reprendre et l'agencer à la lumière de ce que personne n'ignore plus ».

Si, contrairement au Docteur Faust pétri de prétention, on accepte de croire plutôt que de savoir, on est vite conquis, d'autant que la mise en scène de Peter Mussbach apparaît sans faille. Durant une heure vingt, outre son potentiel esthétique, cette horloge géante servant de plateau soumet le déplacement des chanteurs à celle de ses aiguilles, rappelant combien « le temps est un joueur avide ». La richesse du spectacle tient à une foule de questions posées, ayant pour écho la sensibilité de chacun.

D'une partition qui avait effrayé les chanteurs à son ouverture, les milliers de notes, les rythmes très compliqués se révèlent pourtant au service d'une élocution entre le parlé et le chanté, la plus simple possible. Les personnages, bien que clairement caractérisés, chantent dans des tessitures assez proches.

Le baryton Georg Nigl est un Faustus tout en nuance et souplesse, plus puissant mais parfois moins stable que son confrère Urban Malmberg. L'Ange prend les trait de Caroline Stein, soprano d'un cristal d'abord perçant, qui gagne en rondeur. D'une voix saine et bien projetée, le ténor Robert Wörle incarne Sly, pochard récidiviste chipé à Shakespeare. Le rôle de l'ange déchu Togod revient à la basse Jaco Huijpen. Avec beaucoup de clarté, Jonathan Stockhammer dirige l'Orchestre de l’Opéra national de Lyon qui en assura la création française.

LB