Chroniques

par katy oberlé

Fidelio
opéra de Ludwig van Beethoven

Teatro alla Scala, Milan
- 5 juillet 2018
reprise indifférente du Fidelio de Deborah Warner à la Scala de Milan
© marco brescia et rudy amisano

Juillet, c’est donc l’été ! Voilà votre Strasbourgeoise (d’ailleurs encore interdite de séjour à l’opéra de sa ville natale, soit dit entre parenthèses…) en route pour le Sud, toujours au service de l’art lyrique et de ceux qui l’honorent. Pour commence, un petit séjour milanais, avec ce Fidelio âgé de quatre ans, actuellement repris à la Scala. Après avoir souvent dirigé les symphonies de Beethoven, Myung-Whun Chung croyait peut-être simple de jouer Fidelio. Il n’en est rien, comme l’auditeur le remarque de nombreuses fois. L’orchestre maison n’est pas en cause, avec notamment des cuivres superlatifs, mais bien le chef, peu à l’aise avec le classicisme de Beethoven et la fougue révolutionnaire et romantique de l’ouvrage. La soirée commence bien, pourtant, avec l’Ouverture Leonore III, joliment contrastée. Mais par la suite, on ne retrouvera plus jamais cet élan dans l’interprétation timide du chef coréen. Les tempi semblent par moments bizarres. L’absence de lyrisme freine l’émotion. Fort heureusement, le Chœur est beaucoup plus convaincant.

Le plateau vocal accuse un manque d’unité qui nuit à la bonne réussite de la soirée. Le ténor australien Stuart Skelton débute dans une nuance délicate le deuxième acte, mais il se montre ensuite trop souvent strident, comme s’il avait épuisé tout son potentiel de nuance. On ne peut pas lui reprocher un manque de vaillance, c’est certain, mais au prix d’une justesse assez aléatoire. En Leonore, Jacquelyn Wagner soigne un style d’une pureté étonnante qui met en avant les qualités parfois mozartiennes du timbre. Bravo également à Eva Liebau, charmante Marzelline qui bénéficie d’une émission agile. La partie de son amoureux est confiée à Martin Piskorski, voix très claire, bien choisie pour ce rôle qui a besoin de lumière. À l’inverse, Martin Gantner donne un piètre Fernando, terne et sans dimension aucune. Deux artistes nous font passer un bon moment : la basse Stephen Milling livre un magnifique Rocco, musical et puissant, tandis que le baryton-basse Luca Pisaroni excelle en Pizarro redoutable, usant d’une couleur moins noire que ses collègues dans ce rôle, donc plus subtile et encore plus effrayante, tout compte fait.

La mise en scène de Deborah Warner traite le sujet, transposé dans un lieu de détention indéfini, prison contemporaine ou camp de réfugiés. Le spectateur peut y voir ce qu’il veut, en fait. La scénographie de Chloé Obolensky a le mérite de nous rappeler qu’il faut continuer à vivre, dans la privation de liberté. On aperçoit des éléments de cette vie qui continue, comme une table à repasser, par exemple, qui a quelque chose de touchant dans un tel lieu. Passés ces détails, la production n’est ni mieux ni pire qu’une autre. Elle ne marquera pas l’histoire de l’opéra.

KO