Chroniques

par david verdier

Franck Ollu dirige l’Ensemble Modern
œuvres de Bach/Webern, Ligeti et Trojahn

Festival d’Aix-en-Provence / Conservatoire Darius Milhaud
- 13 juillet 2014
Franck Ollu dirige l’Ensemble Modern
© jean-claude carbonne

Dans la belle acoustique du nouveau conservatoire, le deuxième concert contemporain de ce Festival d'Aix-en-Provence propose un programme d'œuvres pour ensemble. À la tête de l'Ensemble Modern, le chef français Franck Ollu a opté pour un regroupement spécifique qui isole en première partie la transcription d'Anton von Webern du Ricercar du Musikalisches Opfer de Jean Sebastian Bach et le Kammerkonzert de György Ligeti. Toute la seconde moitié sera consacrée aux pièces pour soprano et ensemble de Manfred Trojahn.

Au-delà de l'hommage révérencieux, le travail d'orchestration de Webern vise à redonner toute sa lisibilité au ricercar. Les solistes de l'Ensemble Modern sont tenus par le chef à une lecture contrapunctique très horizontale et sans effets. Le geste de Franck Ollu souffre de cette neutralité assez prudente qui se borne à imbriquer les éléments de la Klangfarbenmelodie afin que rien ne déborde de l'effusion ou du lyrisme. En exagérant les volumes statiques, l'élan se brise au moment où doit naître le crescendo et l'on finit par rester sur sa faim.

Une approche assez identique « plombe » le début du Kammerkonzert dont la micropolyphonie ne travaille plus de l'intérieur la structure générale. À trop s'attarder sur la précision, sur l'alternance de phrasés volubiles et vaporeux (clouds) et la puissance des éléments pulsés qui fixent le cadre comme on tendrait une étoffe à l'aide de punaises (points), la vision du chef manque la perspective d'ensemble et la volonté de Ligeti de ne pas contraindre l'oreille à fouiller le détail pour saisir l'intention. L'impeccable Movimento preciso e meccanico est interprété avec un humour savoureux qui emporte l'adhésion du public, tandis que les chromatismes éloquents du Presto final courent tout droit vers leur propre désagrégation.

Au terme du premier concert on devinait le goût prononcé de Manfred Trojahn pour une musique très écrite et ne refusant pas certaines conventions. Les deux créations pour soprano et piano (Contrevenir) et pour soprano et ensemble (L'allégresse et L'éternité à Lourmarin) forment un écrin idéal pour le soprano Sabine Devieilhe. Les poèmes de René Char se déplient en mélismes étirés dans un registre stratosphérique. En sacrifiant l'intelligibilité, Manfred Trojahn prend le risque de laisser de côté la concentration du public, tant la voix est maintenue invariablement dans un aigu sans autre intérêt que « performatif ». On aura une préférence pour la page pour ensemble seul (deuxième partie de Contrevenir), conçue à la mort d’Hans Werner Henze et astucieusement construite autour d'une combinaison de principes dynamiques agités. D'une longueur ambitieuse, et enchaînée aux deux autres pièces, cette partition met en valeur le bon niveau des vents, d'une virtuosité sans pareille.

DV