Chroniques

par hervé könig

George Enescu | Symphonie concertante en si mineur Op.8
Truls Mørk, Orchestre national de France, Christoph Eschenbach

Auditorium / Maison de Radio France, Paris
- 14 septembre 2017
à la Maison de Radio France, Truls Mørk joue l'opus 8 de George Enescu
© dr

Après un concert d’ouverture diversement apprécié par notre collègue [lire notre chronique du 7 septembre 2017], Emmanuel Krivine confie son Orchestre national de France à Christoph Eschenbach. À la suite de son exécution du Te Deum de Bruckner, remarquée au printemps dernier [lire notre chronique du 13 avril 2017], il semble en retrouver avec plaisir les pupitres avec lesquels il partira en tournée la semaine prochaine, à Bucarest. Les affinités du chef allemand avec la musique de Gustav Mahler ne sont un secret pour personne. Dix années à la tête de l’Orchestre de Paris les illustrèrent [lire nos chroniques du 14 septembre 2005 et du 14 septembre 2006]. Aussi revient-il à la maison ronde avec la Cinquième qu’il a beaucoup joué à travers le monde.

Mais auparavant, écoutons la très rare et fort belle Symphonie concertante en si mineur Op.8 de George Enescu, contemporaine des deux fameuses Rhapsodies roumaines qui forment l’opus 11. Elle précède de quatre ans sa Symphonie en mi bémol majeur Op.13 n°1 dont Paris ferait entendre la première exécution en janvier 1906. C’est qu’en ce temps-là, Enescu vivait dans la capitale française où il menait aussi sa carrière de grand violoniste virtuose. Sa maîtrise admirée de l’instrument ne doit pas cacher qu’il jouait également très bien du piano et du violoncelle ; c’est dire s’il savait quoi faire en composant pour ce dernier. L’œuvre est dédiée au soliste Joseph Salmon (lui aussi compositeur) qui la créa en 1909.

Truls Mørk [notre photo] gagne la scène. Après un accord profond, il entame la mélopée nostalgique, dans une sonorité riche. L’inspiration du soliste norvégien s’impose, malgré un accompagnement qui paraît assez peu concerné. Le mouvement lent, unique, a beaucoup de mal à prendre son envol, bien que le cantabile soit fort bien tenu. Eschenbach ne s’implique pas beaucoup, son approche reste au bord du propos. La réalisation soignée des traits des bois nous fait beaucoup regretter un tel manque d’implication. Sans parler de passion, un peu de lyrisme ne serait pas de trop. Est-ce l’indication majestueux qui retient le geste ?… Bref, passent laborieusement vingt-cinq minutes d’une partition plutôt conçue en concerto qu’en symphonie, à vrai dire,dominée qu’elle est, continuellement, par la partie soliste. À un public décidément très gentil (bien qu’en comité restreint), Truls Mørk offre la Sarabande de la Suite en ré mineur BWV 1008 n°2 de Bach.

Après l’entracte, la trompette retentit, impérative, rapide, nerveuse, autoritaire, tandis que le premier accord du tutti révèle immédiatement une conception plombée de la Symphonie en ut # mineur n°5 de Mahler (1901-1902). Une nouvelle fois, le chef alourdit sans compter le pas de la Trauermarsch. Pour autant, les qualités qu’on pourrait attendre de ce pas précautionneux ne viennent pas. Aucune révélation dans le climat, l’inflexion ou la couleur, rien de plus dans les timbres. On ne comprend pas les pauses alanguies au décours d’une phrase, le renfort d’effets retardés, les suffocations, la démonstration constante. Ne détaillons pas : il suffira de dire le désarroi et l’ennui provoqués par cette seconde partie de concert dont le pire est encore l’Adagietto étiré jusqu’à la pleurnicherie. On ne sait pas les choses à l’avance… dommage, on ne serait pas venu là !

HK