Chroniques

par irma foletti

Gioachino Rossini | Zelmira
Marina Comparato, Silvia Dalla Benetta, Joshua Stewart, Mert Süngü, etc.

Górecki Chamber Choir et Virtuosi Brunensis, dirigés par Gianluigi Gelmetti
Rossini in Wildbad / Trinkhalle, Bad Wildbad
- 27 juillet 2018
Gianluigi Gelmetti joue Zelmira (1822), un opera seria signé Rossini
© andreas heideker

Créé en 1822 à la fin de la période napolitaine de Rossini, Zelmira est un opera seria particulièrement difficile à représenter. Le théâtre San Carlo de Naples disposait en effet des meilleurs chanteurs du moment, Isabella Colbran, Giovanni David et Andrea Nozzari endossant les rôles respectifs de Zelmira, Ilo et Antenore lors de la première. À notre époque, l'Opéra de Rome s'approcha au plus près de cet idéal en 1989, avec la présence de Cecilia Gasdia, Rockwell Blake et Chris Merritt, le Rossini Opera Festival de Pesaro n'étant pas loin derrière en 2009 avec Kate Aldrich, Juan Diego Flórez et Gregory Kunde. En deux actes, l'ouvrage est plutôt long – le premier dure presque deux heures – et propose une large variété dans ses numéros, airs, duos, trios... avec le plus souvent une cantilène suivie d'une cabalette redoutable techniquement, pour ce qui concerne les cadences à assurer et les suraigus écrits.

Pour cette version concertante, c'est d'abord le chef très aguerri Gianluigi Gelmetti qui tient l'entreprise d'une main sûre et parvient à un succès d'ensemble. Présents sur tous les spectacles du festival Rossini in Wildbad, l'orchestre tchèque des Virtuosi Brunensis et le chœur polonais Górecki Chamber Choir font à nouveau preuve de sérieux et d'engagement. Les soprani en particulier ont un accent italien perfectible, mais au moins disposent-ils de réserves dans la palette aigue, très appréciables. Le chef impulse beaucoup d’énergie à la musique et construit un impressionnant relief dramatique, en campant fort efficacement les lieux et les situations – comme, par exemple, le sombre souterrain où est caché Polidoro. Les tempi sont toujours en situation. On relève simplement une seule originalité, le rythme ralenti à l'extrême pour le deuxième couplet de la cabalette en fin d'air d'entrée d'Ilo – pourquoi pas...

La distribution vocale n'est pas complètement homogène, mais s'en tire globalement avec les honneurs, à l'exception d'un soliste. Silvia Dalla Benetta en Zelmira fait entendre une voix plutôt large qu’elle peut aussi alléger par moments [lire notre chronique de Sakùntala]. Elle couvre sans effort apparent la tessiture du rôle et exécute sans problème les vocalises. Dans son grand air de l’Acte II, Da te spero, o ciel clemente, tiré pour partie d'Ermione, autre grand opera seria de la période napolitaine [lire notre critique du DVD], elle parvient aussi à faire passer l'émotion. L'autre titulaire féminine, Marina Comparato (Emma), ne possède pas le même volume sonore, mais la voix est bien timbrée, assez riche et agréable. Son air du II est joli, musical, avec certains passages graves un peu confidentiels, alors que le duo avec le rôle-titre en fin de premier acte, Perché mi guardi e piangi, accompagné de la harpe et du cor anglais seuls, est une pure merveille de mélancolie.

Côté ténors, on apprécie d'abord Mert Süngü en Ilo, un grave bien dessiné et des extensions brillantes vers les suraigus, même s'il donne l'impression d'un son un peu serré et d'un tour de force musclé lorsqu'il tient la note. L'intonation de certaines notes de passage semble perfectible. On l'apprécie presque plus dans les récitatifs accompagnés où il déploie une sereine autorité et où sa tessiture très étendue est magnifiquement mise en valeur. Un peu mieux en place que dans Le nozze di Teti e di Peleo [lire notre chronique de la veille], Joshua Stewart ne parvient toutefois pas vraiment à relever le défi de l'impossible rôle d'Antenore. L'émission est plutôt confuse, pâteuse par instants. Elle se libère par séquences, comme dans la cabalette de son air d'entrée, Sorte secondami, mais le compte n'y est pas exactement lorsqu'on a Merritt ou Kunde dans l'oreille. Le problème le plus sérieux de ce concert reste le niveau extrêmement faible de la basse Federico Sacchi distribuée en Polidoro, en décalage très marqué avec les autres protagonistes. Techniquement insuffisant, il perd la stabilité lorsqu'il pousse la note. On recherche en vain l'ampleur vocale et le charisme du personnage. C’est bien dommage, car ce rôle du père de l’héroïne est souvent sollicité dans des numéros majeurs, plusieurs duos, le trio avec Zelmira et Emma, ou les ensembles.

À propos d'ensembles, il est à noter que le quintette La sorpresa, lo stupor en fin d’Acte I, quasiment a cappella (très légers pizzicati de cordes), en attaques successives a mezza voce par chacun des solistes, n'est pas le morceau le plus réussi de la soirée. Les chanteurs, ayant été sollicités à pleine voix dans le numéro précédent, ont bien du mal à doser un tout petit son. Dans les rôles secondaires, la basse Luca Dall'Amico (Leucippo) tient son rang, tandis que le troisième ténor Xiang Xu (Eacide) claironne avec vigueur ses aigus, lors de ses rares interventions [lire notre chronique de La cambiale di matrimonio].

IF