Chroniques

par gilles charlassier

Gluck et Mozart par Marianne Crebassa
Les Ambassadeurs, Alexis Kossenko

Philippe Maillard Production, Les Grandes Voix / Salle Gaveau, Paris
- 21 novembre 2016
Marianne Crebassa chant Gluck et Mozart à la Salle Gaveau (Paris)
© simon fowler

Si le récital peut parfois revêtir l'allure d'une tournée promotionnelle discographique, celui que propose Marianne Crebassa aux côtés d'Alexis Kossenko et son ensemble Les Ambassadeurs, dans une salle voisine de récentes victoires politiques, ne se résume à pas une simple anthologie publicitaire. Même si la formation sur instruments historiques, dirigée par le musicien niçois, promeut le décloisonnement des répertoires, c'est autour de deux figures du classicisme que s'articule le programme proposé à Gaveau (par Philippe Maillard Production et Les Grandes Voix) : Wolfgang Amadeus Mozart et Christoph Willibald Gluck, non avares en rôle travestis qui constituent la carte de visite du mezzo-soprano montpelliérain.

Cherubino apparaît évidemment comme une incontournable entrée en matière. Après une Ouverture des Nozze di Figaro (1786) où se signale déjà la mobilité des couleurs sur laquelle s'appuie le dynamisme des pupitres – on retrouvera cette qualité en seconde partie dans l'Ouverture de Don Giovanni (1787) et le Ballet des ombres heureuses, extrait de l'Orphée et Eurydice de Gluck (1774) –, Non so piu résonne comme un instantané fébrile que le Voi che sapete prolonge, palpitant d'une juvénilité bien composée. Passons rapidement sur l'intermède concertant : joué avec une ductilité virtuose, le Concerto en ré majeurpour flûte K.314 (n°2) du même Mozart n'aura pas de trop de l'intelligence rhétorique d'Alexis Kossenko pour combattre une certaine entropie sédative d'une agréable partition, galante sinon décorative.

Mais la soirée ne se contente pas des facilités. Elle éclaire de manière bienvenue un des premiers opus lyriques du compositeur autrichien, matrice de toute sa production seria et laissé dans l'ombre d'une récente fascination panurgique pour l'adolescent et épigonal Mitridate :Lucio Silla (1772). On entendra ainsi les trois airs essentiels de Cecilio, un rôle que la soliste avait déjà incarné dans la production salzbourgeoise de Marshall Pynkoski et sous la baguette de Marc Minkowski, reprise peu après à la Scala. Pupille amate affirme une indéniable maîtrise de la ligne vocale, tandis qu’après l'entracte Quest'improvviso tremito assume l'héroïsme attendu, avant une conclusion sur le vasteIl tenero momento, où la science de l'ornementation ne fait pas défaut.

Si le Parto, parto de Sesto (La clemenza di Tito, 1791) annonce une évidente évolution de la carrière de la Française, c'est dans l'Orphée et Eurydice de Gluck complété par Hector Berlioz (1859) qu'elle condense toute sa musicalité inventive : sous les traits du poète antique, son Amour, viens rendre à mon âme explore les ressacs de l'espérance jusque dans une impressionnante cadence a capella, que le public goûte à nouveau en bis, après l'air d'Éros tiré de Psyché d’Ambroise Thomas (1857), remarquable redécouverte qu'elle contribuera – on l'espère ! – à faire sortir des bibliothèques.

GC