Chroniques

par gilles charlassier

I Capuleti e Montecchi | Capulet et Montaigu
opéra de Vincenzo Bellini

Münchner Opernfestspiele / Nationaltheater, Munich
- 24 juillet 2011
I Capuleti e Montecchi | Les Capulet et les Montaigu
© wilfried hösl

L’histoire des amants de Vérone a reçu une interprétation exemplaire en la tragédie de Shakespeare et l’on jauge généralement les adaptations à l’aune de ce modèle. Pour son livret, Felice Romani s’autorise de significatives libertés. Ainsi les trois premiers actes du drame élisabéthain sont fortement condensés : Roméo et Juliette sont déjà amoureux l’un de l’autre à l’ouverture du rideau. Le personnage de la jeune Capulet subit quant à lui des altérations : son hésitation à quitter Vérone rend possible son mariage avec Tybalt et la suite du drame. Cette manière de faire de l’héroïne le pivot de l’articulation dramatique est la marque de l’opéra belcantiste, quand bien même la ficelle pourrait être plus discrète.

La partition de Bellini, écrite en 1830, subit parfois le bavardage de la pièce de son librettiste. Cela est sensible dans le duo de la sixième scène, Acte I. Le génie mélodique du sicilien ne peut éviter l’écueil de l’élégie énervée. On trouve cependant des merveilles – les pages les plus célèbres en fournissent l’exemple – la cavatine « Se Romeo » ou la romance de Giuletta « Quante volte ». On songera surtout à l’idée géniale du finale du second acte, où les deux amants meurent dans l’extase d’un lento. L’intuition musicale trouvera son accomplissement vingt ans plus tard dans la Traviata de Verdi ; l’efficacité du procédé ne s’épanouit pas ici comme on pourrait l’espérer, peut-être bridé par le statisme de la scène imaginée par Vincent Boussard.

La production commandée au metteur en scène français montre cependant de belles qualités de classicisme. Les décors de Vincent Lemaire reprennent les codes usuels de ses travaux antérieurs : panneaux et praticables minimalistes sur lesquels chatoient les lumières, réglées par Guido Levi. Le rideau se lève sur des selles suspendues aux cintres, métaphore des conflits prêts à bondir des coulisses de la trêve. Giuletta monte sur un lavabo pour chanter sa romance et tenter d’atteindre l’inaccessible ange de pierre fixé sur le haut du mur, icône de son amant forclos par la rivalité de leurs familles respectives. La résistance de l’élément sanitaire au poids du désir de la jeune fille invite à demander conseil. Un escalier divisé au milieu de sa hauteur par un portique reçoit le mariage avec Tebaldo. Christian Lacroix lui réserve les couleurs les plus bigarrées, confiant à l’héroïne une mousseline blanche à la traîne relevée.

Bien que l’heure de gloire de Vesselina Kasarova ne soit plus à venir, la présence du mezzo bulgare réunit les aficionados. Son Romeo ne souffre guère de lacune dans la crédibilité. Les instabilités dans l’émission qui lui avaient été reprochées semblent être un lointain souvenir, de même que la générosité de la texture. Les aigus sonnent avec une relative précision tandis que les graves, s’ils ne subissent plus le macroscope, s’étalent dans le parlando. Sa partenaire, Ekaterina Siurina, recueille les suffrages mérités de l’assistance. Le brillant de timbre, la richesse de la couleur vocale, la sensibilité musicale, font de sa Giuletta, une incarnation mémorable.

Le rôle de Tebaldo reste assez secondaire dans la version de Bellini. Dimitri Pittas n’en accomplit pas moins une performance fort honnête, montrant un sens certain de la nuance dans le mezza voce. Ante Jerkunica fait entendre l’autorité dévolue à Capellio et Carlo Cigni campe un Lorenzo convenable.

À la tête du Bayerisches Staatsorchester, Yvel Abel conduit la partition avec persévérance. Les chœurs de la maison, préparés par Sören Eckhoff, s’avèrent parfois épris de mollesse.

GC