Chroniques

par gérard corneloup

I puritani | Les puritains
opéra de Vincenzo Bellini

Opéra de Toulon
- 26 avril 2009
Frédéric Stéphan photographie Les puritains de Bellini à l'Opéra de Toulon
© frédéric stéphan

Archétype du bel canto le plus exacerbé, chant du cygne du discours bellinien à la fibre mélodique immaculée, longtemps pilier obligé du répertoire de tout grande maison d’opéra qui se respectait, I Puritani est devenu un ouvrage quasiment mythique, ne faisant plus que d’épisodiques apparitions sur les scènes. Il est vrai qu’il exige un quatuor vocal de première magnitude, et donc coûteux, rompu à la pyrotechnie du chant le plus orné qui soit, possédant également une vaillance d’émission et une endurance peu communes. Dans ces conditions, et sans parler des conventions et des extravagances d’un livret particulièrement médiocre mais bien dans le goût du temps, on comprend que rares soient les reprises.

Tout cela donne encore plus de relief, d’intérêt et de mérite au spectacle que présente l’Opéra de Toulon, dans un système qui s’avère sans doute la clé en la matière, pours les années de crise que les théâtres lyriques vont vivre : la coproduction. En l’occurrence, celle avec l’Opéra de Marseille et celui d’Avignon, l’Opéra royal de Wallonie et le Washington Opera.

Encore convient-il de posséder les divers critères musicaux !
Toulon les compte bien, à commencer par le quartetto vocale indispensable, lequel, au-delà des habituels applaudissements très nourris du public d’oc, remplit son contrat lyrique à la perfection, dans les soli, avec cabalette échevelée et note suraigüe pour le ténor de service, tout comme dans les ensembles concertants qui alternent vaillance et tendresse. Ainsi du soprano australien Jessica Pratt, Elvira éblouissante et tendre, qu’elle soit aimante ou aliénée. Ainsi du ténor géorgien Shalva Mukeria, Arturo qui se joue avec superbe des écueils accumulés dans sa partie par maestro Bellini. Ainsi de la basse polonaise Wojtek Smilek à l’émission chaude, Gorgio ductile et bien timbré. Sans oublier le baryton russe Rodion Pogossov, Riccardo au chant musical à souhait. On peut, sans risque, y ajouter le reste de la distribution, mais aussi les Chœurs maison – on oublie trop l’importance des épisodes choraux dans I Puritani –, aussi expressifs que cohérents.

Il fallait un coordonateur efficace, motivé, motivant, pour amalgamer au mieux ces divers éléments : le chef Giuliano Carella, pour qui cette musique n’a plus aucun secret, dont il sait dessiner les contrastes, la volubilité, le relief et la formidable osmose entre les voix sur scène et l’orchestre dans la fosse. Aussi, un orchestre plein de belles sonorités réagit-il à la moindre injonction de son pugnace directeur musical.

Soyons juste : visualiser un tel ouvrage tient de la gageure et frôle l’impossible. Refusant toute facile relecture, gardant l’esprit tout en dépoussiérant plutôt la forme, le metteur en scène Charles Roubaud et la décoratrice Isabelle Partiot se tirent d’affaire avec les honneurs, symbolisant bien des choses par la magie du mur peint et du plan incliné, procédés qui donnent infiniment de relief au grand final du premier acte. Pari audacieux, pari tenu !

GC