Chroniques

par irma foletti

L’elisir d’amore | L’élixir d’amour
opéra de Gaetano Donizetti

Festival Donizetti Opera / Teatro Donizetti, Bergame
- 5 décembre 2021
Au Festival Donizetti Opera de Bergame, L'ELISIR D'AMORE...
© gianfranco rota

C’est d’abord un premier degré du théâtre dans le théâtre que propose le metteur en scène Frederic Wake-Walker, quand on entre dans le Teatro Donizetti et qu’on admire la magnifique photo de la façade du bâtiment, installée en fond de plateau. Avant le début de la représentation, le maître de cérémonie Manuel Ferreira prépare le public à un petit exercice de chant prévu en début de second acte ; des drapeaux ont été distribués, à agiter en même temps que l’on chante les paroles inscrites (Cantiamo, facciamo brindisi...).

Après cette introduction, la production déroule un Elisir d’amore extrêmement classique et sans grande originalité. Les villageois sont assemblés sur une place qui reproduit celle située à deux pas et en face du théâtre. Belcore et ses militaires défilent au pas très cadencé. Dulcamara entre par la salle, tandis que les deux amoureux, Adina et Nemorino, prendront tout le temps de la représentation pour s’avouer leur sentiment réciproque. Si les artistes du Coro Donizetti Opera sont très en voix, on les sent à plusieurs reprises plutôt empruntés scéniquement, bien que statiques le plus souvent. La gestique du final du premier acte fait ainsi sourire. On lui préfère celle de la conclusion, avec des mouvements de Macarena (un clin d’oeil au ténor Camarena ?). Au second acte, les femmes qui descendent et font monter plusieurs fois leurs ballons gonflables ne convainquent pas vraiment. On apprécie, en revanche, le tableau poétique de l’air de la furtiva lagrima où le ténor tient son ballon par la ficelle, sur fond de ciel étoilé.

La grande surprise de la représentation réside, à vrai dire, dans son aspect musical, en écoutant l’édition critique de la partition, établie par le regretté musicologue Alberto Zedda. Personnellement, nous n’avions jamais entendu plusieurs passages, comme des reprises, quelques séquences de liaison entre les couplets ou encore certains échanges supplémentaires, en majorité au cours des duos entre Adina et Nemorino, Nemorino et Dulcamara, Belcore et Nemorino, etc. Le clou de ces nouveautés se trouve dans la partie finale, interprétée par Adina : si la cantilène Prendi, per me sei libero ressemble à celle entendue habituellement, la cabalette qui suit, Ah! l’eccesso del contento, est un air alternatif d’une folle virtuosité belcantiste, aux sauts d’intervalles vertigineux et d’une durée très étendue qui paraît transformer ce long et bon moment en air de récital pour soprano. Pour interpréter cette musique, l’orchestre Gli Originali comporte des instruments d’époque qui sonnent avec sans doute moins de brillant (les cuivres par exemple), mais donnent un son plus rond et moins agressif, qu’on imagine plus en lien avec la période de la création de l’œuvre (1832). Placé au pupitre, Riccardo Frizza, directeur musical du festival, insuffle énergie et relief à cette partition bien connue de Donizetti.

En tête de distribution, le jeune soprano (vingt-deux ans) Caterina Sala est une vraie révélation en Adina, avec une voix pleine d’enthousiasme qui se déploie avec musicalité et une technique aguerrie. Elle remporte une juste ovation à l’issue de sa longue cabalette finale, pendant laquelle vocalises et notes piquées font merveille. Javier Camarena incarne un Nemorino dans la tradition, visuellement le simplet du village sous son bob blanc, les pommettes rouges et portant une écharpe trop longue. Le ténor paraît vocalement un peu sur la réserve au premier acte, en particulier dans Quanto è bella, quanto è cara!, l’air d’entrée, puis remplit davantage l’espace sonore en seconde partie, culminant dans Una furtiva lagrima, air plein de délicatesse déroulé avec un legato élégant. Le Belcore de Florian Sempey fait état d’une santé vocale insolente, avec un timbre riche de baryton noble, capable de puissance dans l’aigu. Roberto Frontali interprète un Dulcamara solide, visuellement plus rigide et sérieux que le comique habituel du personnage, tandis qu’Anaís Mejías (Giannetta) complète en faisant entendre un timbre un peu pincé. Une mention, enfin, pour le public, bien chantant lui aussi dans son joyeux exercice en début d’Acte II.

IF