Chroniques

par gilles charlassier

La cambiale di matrimonio | La lettre de change pour un mariage
farsa musicata de Gioachino Rossini

Settimane musicali / Teatro Olimpico, Vicence
- 2 juin 2017
Au Teatro Olimpico de Vicence, "La cambiale di matrimonio" de Rossini
© luigi de frenza

À mi-chemin entre Venise et Vérone, Vicence invite à une plongée dans l'art d'Andrea Palladio, l'un des plus éminents architectes de la Renaissance italienne, largement nourri de l'Antiquité, romaine entres autres, et des traités de Vitruve en particulier. Parmi les témoignages qu'il a légués dans la cité vénète se trouve le Teatro Olimpico, son ultime projet, et ses quelques quatre cents places en gradins semi-circulaires, face à la perspective en trompe-l’œil en fond de scène, réalisée par Vincenzo Scamozzi pour l'inauguration en 1585, et, cas unique, encore en bon état. Il y a près de trois décennies, le chef d'orchestre Giovanni Battista Rigon est tombé sous le charme de cet écrin inimitable, au point d'imaginer là un festival pratiqué en fin du printemps, les Settimane musicali, initié en 1992.

Pour sa vingt-sixième édition, il entame un cycle pluriannuel où se décline, dans l'ordre chronologique au fil du quinquennat, les cinq premiers opus lyriques de Rossini. Dans la salle néo-antique, ils trouvent les dimensions idéales pour s'épanouir dans une lecture sensible à la vérité historique orchestrale. Car l'Italien, ne se contentant pas de faire battre le cœur lyrique de la péninsule, tire parti de cet outil remarquable qu'est le bâtiment de Palladio pour redonner son authentique vitalité au répertoire de la fin du XVIIIe et du début du XIXe. C'est ainsi que l'ouverture du cru 2017 – par un hasard du calendrier, elle se tient le jour de la Fête de la République Italienne – fait entendre La cambiale du matriomonio, créé en 1810 à Venise, ouvrage qui connaît aujourd'hui un regain d'intérêt de la part des programmateurs [lire notre critique du DVD].

Dans l'espace contraint du plateau, Marco Gandini joue habilement de la scénographie d'Andrea Tocchio, meublée de quelques accessoires, que rehaussent les lumières et les projections vidéo réglées par Virginio Levrio, lesquelles donnent vie à l'illusion théâtrale. Avec la complicité de Michele Becce aux costumes et du Studio Vanity 2.0 qui réalise coiffes et maquillages, le spectacle n'a pas besoin d'extravagance, de mauvais goût ou de modernité facile pour faire vivre la comédie de mœurs, portée par de jeunes interprètes, autant que la direction pleine de sève et de saveur de Giovanni Battista Rigon, à la tête d'un Orchestra di Padova e del Veneto accoutumé au respect musicologique.

Daniele Caputo incarne un Mill équilibrant jeunesse et consistance qui ne caricature pas l'embonpoint paternel. Lara Lagni, sa fille Fannì, lui oppose la fraîcheur et un babil fruité, auxquels ne résiste pas l'Edoardo amoureux d’Yauci Yanes Ortega. Paolo Ingrasciotta fait un Slook de bonne tenue, tandis que Diego Savini et Sara Fanin ne manquent pas de saveur en Norton et Clarina.

Outre cette production lyrique, le festival met également à l'affiche des concerts, avec un relatif tropisme intime sous l'impulsion de la violoniste Sonig Tchakerian. Ainsi le premier des trois de l’édition 2017 fait-il entendre le Sonnengesang (1997) de Sofia Goubaïdoulina, vaste fresque poétique, évocatrice, sur des textes de Saint-François d'Assise, des chants arméniens et la Chaconne BWV 1004 transcrite dans un accompagnement pour chœur.

GC