Chroniques

par gérard corneloup

La donna del lago | La dame du lac
opéra de Gioacchino Rossini

Grand Théâtre, Genève
- 14 mai 2010
© monika rittershaus

Un éblouissement ! Et, conséquemment, des applaudissements nourris.
Il est vrai que le superbe et acrobatique rondo final avec lequel Rossini clôt sa Donna del lago trouve en Joyce Di Donato une interprète de choix, aussi à l’aise dans l’élégie que dans la pyrotechnie. Même en bottes ! Seulement voila. Il n’y a pas qu’elle ! Il y a tout le reste et en particulier la scénographie aussi prétentieuse que quelconque, commise par Christof Loy. Ici, le travail de relecture auquel aiment à se livrer les hommes de théâtre, parfois non sans succès, dépasse de beaucoup les limites admises en la matière. Notre metteur en scène repense, imagine, subodore, rectifie, change, coupe, tranche, pire : rectifie. Pire encore : il traficote le livret. Elena ne finira pas dans les bras de Malcom comme voulu par le librettiste et le compositeur, mais dans ceux du royal Giacomo. Incroyable mais vrai.

Après cela, tout est évidemment permis.
Exit l’Ecosse sylvestre de Walter Scott. Nous sommes dans une salle paroissiale sinistre – décors et costumes de Herbert Maurauer, éclairages confus de Reinhard Traub, extravagant pseudo-ballet dans une toute aussi pseudo chorégraphie de Thomas Wilhelm, encombrée de chaises – visiblement notre homme de scène adore ! – où s’agitent des choristes et figurants mal vêtus de costumes banals, à l’occasion de kilts.

On peut s’étonner que le chef Paolo Arrivabeni, lequel officie dans la fosse, ait ondoyé de son autorité ce finale ridicule, comme l’amputation du rôle d’Albina - Bénédicte Tauran -, devenu un simple faire-valoir. Il est vrai que sa battue ondoyante, sinon frémissante, manque singulièrement d’élans et de brio, ayant bien du mal à canaliser un Orchestre de la Suisse Romande parfois disparate, côté cuivre en particulier, ainsi que des Chœurs maison que l’on a connus en meilleure forme.

Vocalement, si le mezzo Mariselle Martinez, souffrante, se sort plutôt bien des écrasantes difficultés du rôle de Malcom, si la basse Bálint Szabó est un Douglas d’une belle autorité, les deux ténors rivaux s’avèrent globalement peu convaincants. Luciano Botelho (Giacomo) possède la musicalité, la ductilité, l’art du bel canto requis, mais manque de puissance vocale, ce qui conduit à des aigus pour le moins tendus. Gregory Kunde (Rodrigo), vraiment peu gâté par un kilt de quinquagénaire, est tout son contraire : chant frustre et expression sommaire, abus du portamento, éclats véristes totalement déplacés.

Finalement, on se demande si un récital donné par Joyce Di Donato défendant tout simplement, elle, Rossini, Bellini ou Donizetti, n’eut pas constitué une soirée plus attrayante…

GC