Chroniques

par gilles charlassier

La scala di seta | L’échelle de soie
opéra de Gioacchino Rossini

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 26 avril 2011
La scala di seta, opéra de Gioacchino Rossini
© dr

Créée le 9 mai 1812 au Théâtre San Moisè, La scala di seta est la troisième des cinq farces écrites par Rossini pour le petit théâtre vénitien. Le livret, dû à Giuseppe Foppa, met en scène une jeune fille, Giulia, que son tuteur, Dormont, veut marier à Blansac, alors qu’elle a déjà épousé secrètement Dorvil. L’intrigue tient du vaudeville. Dès l’Ouverture, la vivacité idiomatique du compositeur se fait connaître, avec ses modulations amenées aussi rapidement qu’elles sont résolues. La verve mélodique et la facilité des situations comiques façonnent la légèreté de la sémillante partition. L’inconsistance dramatique des arguments à rebondissements qui fera le succès des opere buffe ultérieurs trouve ici son prototype. Mais l’absence de césure entre deux actes limite les effets d’intensification comique dont L’Italiana in Algeri donnera un exemple d’efficacité. Tout au long de ses cent minutes, l’ouvrage n’évite pas une certaine redondance. Certes, le sens de la construction n’était pas le souci du musicien, ni de l’imprésario, pour lesquels seuls les rires du public étaient l’aune à laquelle se jugeaient le succès et la valeur d’une pièce. Même si le génie de Rossini montre déjà son visage, on ne peut comparer cet opéra de jeunesse à ses illustres successeurs.

C’est d’ailleurs la vigueur divertissante qu’a choisi de mettre en valeur l’équipe réunie autour de Christian Schiaretti. Le décor unique imaginé par Renaud de Fontainieu est fait d’un espace au centre, où vont et viennent les personnages, avec une bergère dans le coin. Au second plan se tient le lit en alcôve de Giulia, derrière lequel s’ouvre la fenêtre où s’accroche l’échelle de soie. Des colonnes doriques, de cordes dorées vibrantes – la brise qui souffle ? – bordent le plateau. Les costumes d’Annika Nilsson évoquent ceux de l’époque et les lumières de Julia Grand immobilisent l’action dans une fin de journée – le temps de l’intrigue. Les ouvertures et fermetures de portes mimées changent, au fil de leur immuable répétition, l’économie de moyens en pauvreté d’inspiration. D’effet comique, les bégaiements deviennent effets de foire – mais l’imperturbable rire du public semble n’en avoir cure. Et la vulgarité arrive au terme de son anabase avec le dévoilement de la scala di seta, de soutien-gorge en noire dentelle tissé. Les saluts sur fond de ritournelle en sont sans doute l’écho suspendu dans les clameurs de l’assistance.

La jeunesse du plateau rencontre un accueil très favorable.
Ruth Rosique imprime une fraîcheur piquante à Giulia. La volubilité du soprano espagnol s’avère parfois un rien acide et l’aigu pèche par une certaine blancheur. Sa cousine, Lucilla, trouve en Hjördis Thébault une voix plus corsée. La clarté de l’instrument de Juan Antonio Sanabria rend justice au personnage de Dorvil, après avoir laissé à désirer au début de la soirée, maltraitant les récitatifs avec une remarquable persévérance. Basse aux rodomontades de Don Juan sûr de son aura, Ugo Guagliardo incarne efficacement Blansac. Rôle éminemment comique avec son incorrigible balourdise, le valet Germano est interprété par Pierre-Yves Pruvot. Le tuteur de Giulia, Dormont, échoit à Leonardo de Lisi.

Jean-Claude Malgoire a moins de chance en foulant la scène, recevant autant de huées que d’applaudissements. Il faut dire que la récurrence des imprécisions de La Grande Ecurie et la Chambre du Roy, le terne éclat de la formation, pourtant contenue, ne l’avantagent guère, l’expérience ne lui fournissant pas l’alibi de l’immaturité.

GC