Chroniques

par françois cavaillès

La Wally
opéra d'Alfredo Catalani

Volksoper, Vienne
- 17 mai 2017
La Wally de Catalani, mis en scène par Aron Stiehl à la Volksoper de Vienne
© volksoper wien

Opéra italien le plus connu d'Alfredo Catalani, sorte de testament opératique du compositeur italien et du XIXe siècle finissant – la création eût lieu à La Scala à l'hiver 1892, il y a donc cent-vingt-cinq ans –, La Wally, donné en allemand à la Volksoper de Vienne, est lourd du fort parfum Heimatsroman bavarois originel (Die Geier-Wally, de Wilhelmine von Hillern, 1895) et assommant dans son drame tyrolien comme à coups de piolet, le romantisme étant souvent mis à mal par la représentation terre-à-terre du village montagnard mené par la querelle.

La mise en scène d’Aron Stiehl est éclatée entre gestuelle très classique, costumes kitsch et recours au noir et blanc en franche rupture de ton, pour colorer les panneaux brisés figurant les glaces de haute montagne ou la taverne au long buffet. Cet entrechoc visuel moderne marque aussi les habits des personnages, aux coloris et coiffes austères... d'où s'échappera enfin bien entendu, la jeune et malheureuse héroïne toute de blancheur immaculée. Cette silhouette perdue dans les cimes est l'image forte vite imprimée en ouverture, avant que le plateau tourne et présente l'assemblée des villageois tous de noir vêtus.

Sa quête d'amour paraît notamment inspirée par la chanson de l'edelweiss interprétée par l'ami enfantin Walter, seul soutien de Wally dans son exil en altitude. Elisabeth Schwarz offre un ravissant soprano cristallin contre de premiers signes d'apathie dans l'assistance, sur scène et dans le public, tant le récit paraît configuré pour la Volksoper. La scène semble en effet investie de beaucoup d'imagerie populaire : le fracas des chopes de bière, la bravade du chasseur qui a tué un ours, les disputes criardes, etc.

De ce microcosme si conservateur, le meilleur à retenir se savoure notamment en belle apposition avec le chant délicat de Walter, dans la basse robuste, rigide et agréable de Kurt Rydl – il fêtera bientôt ses soixante-dix ans, comme au début de l'opéra son personnage de Stromminger, le père très autoritaire de Wally.

La pauvreté des dialogues allemands, l'acoustique médiocre, tel qu'écouté au parterre, et l'enchaînement prévisible de réactions brutales sur les gros fils du dédain ou de la fierté forment un ferment de désintérêt, en particulier pour les jeunes protagonistes masculins. Leurs voix ne paraissent pas à leur avantage dans cette production subitement endeuillée par le décès d'Endrik Wottrich, donnée en la mémoire du ténor emporté par une crise cardiaque peu avant la première.

Bel et bien maîtresse des lieux pour le grand air Nun gut, ich werde fortgehen (Ebben, ne andro lontana, dans la version originale) donné sur un plan incliné en rotation, le soprano allemand Astrid Kessler semble se libérer, tout comme la Wally-edelweiss (fleur mythique sous l'amour-avalanche) qu'elle incarne finalement, au dernier acte : toute en émotions, sans plus de rapport de force, ni de charge de culpabilité et avec seulement l'orchestre qui rugit. Saluons bien haut les musiciens, forces communes de la Volksoper et de la Staatsoper de Vienne qui, sous la direction de Marc Piollet, tracent à vif les superbes sentiers musicaux de Catalani, secourant les spectateurs sensibles et exigeants abandonnés dans les crevasses du livret. Capables de précipités wagnériens, de plus conventionnels clins d’œil à Verdi, mais encore de préludes de plus en plus empanachés, ils régalent et rassurent quant à la place du lyrisme vivant à Vienne.

FC