Chroniques

par laurent bergnach

Les troqueurs
opéra bouffon d'Antoine Dauvergne

Opéra national de Paris / Amphithéâtre Bastille
- 28 novembre 2009
Les troqueurs, opéra de Dauvergne, photographié par Mirco Magliocca
© mirco magliocca | opéra national de paris

Composé sur un livret de Jean-Joseph Vadé, Les troqueurs est un intermède ou opéra bouffon en huit scènes qui s'inspire d'un conte de La Fontaine. On y découvre deux amoureux qui, jugeant l'une trop grondeuse et l'autre assez peu dolente, décident d'échanger leurs fiancées. Bien entendu, les jeunes femmes s'entendent pour faire payer aux garçons leur muflerie, jusqu'à ce qu'ils supplient pour reformer les couples initiaux. En pleine Querelle des Bouffons, et suite au succès parisien de La Serva Padrona, le directeur du Théâtre de la foire Saint-Laurent jugea plus prudent d'annoncer sa commande comme celle d'un musicien italien installé à Vienne. En fait, elle est de la main d'Antoine Dauvergne (1713-1797), élève de Leclair et futur surintendant de la Musique royale.

Créé le 30 juillet 1753, Les troqueurs eut un succès (plusieurs semaines durant) que l'on souhaite aux jeunes artistes de l'Atelier Lyrique. Alexandre Duhamel offre à Lubin un chant sonore et musclé, mais, dans le même registre, notre préférence va à Damien Pass (Lucas), baryton chatoyant, nuancé et plus attentif à ornementer. Repérée en récital au MIDEM [lire notre chronique du 30 janvier 2008], Olivia Doray incarne Margot avec l’aisance et la fluidité qui la caractérisent. Moins puissante, Julie Mathavet (Fanchon) a pour elle clarté et chaleur de timbre. Placés en éventail sur les gradins de l'Amphithéâtre, la vingtaine d'étudiants du département de musique ancienne du CNSM de Paris répond à la battue délicatement contrastée de Jérôme Corréas.

Les musiciens n'étant pas à blâmer, pourquoi alors cet ennui ressenti à « un spectacle auquel les ecclésiastiques pourront assister sans scrupules » ? À part l'apparition surréaliste de diablotins à mi-parcours, force est de constater que le temps passe en bavardages conventionnels s'accordant peu, à notre avis, à une seconde partie de soirée.

En ouvrant celle-ci, La répétition interrompue ou Le petit maître malgré lui (1751) nous avait déjà bien malmenés. Pourtant alléchante, cette comédie en un acte de Favart aurait dû nous emballer sans réserve : en répétant un vaudeville, des artistes se querellent avec le souffleur, avec l'auteur, puis entre eux. Mais très vite, un problème de diction nous fait perdre le fil, avant que certaines prestations vocales déçoivent – Ilona Krzywicka possède l'ampleur au détriment de la nuance et Manuel Nuñez Camelino semble en méforme – quand d'autres séduisent – vaillance et diction de Stanislas de Barbeyrac, velours et rondeur de Michał Partyka.

Des spectacles où l'on regarde sa montre, l'adulte en verra d'autres…
Au final, on plaint surtout les enfants « à partir de neuf ans » présents dans la salle, pour qui la représentation, mise en scène par Irène Bonnaud, était en partie destiné. Les références à Boucher, les clichés du marivaudage, les cabotinages de Comédie-Française (Jean-Baptiste Malartre en bonimenteur) leur donneront-ils plus le goût du théâtre vivant que les acrobaties de l'Académie Fratellini ?

LB