Chroniques

par laurent bergnach

Maître Zacharius
opéra de Jean-Marie Curti

Théâtre, Châtillon
- 31 janvier 2009
à Chatillon, découverte de Maître Zacharius, opéra de Curti d'après Jules Verne
© dr

Conte fantastique écrit par Jules Verne en 1854, Maître Zacharius ou L'horloger qui avait perdu son âme nous entraîne à Genève, dans la maison d'un vieil artisan, de sa fille Gérande, d'Aubert Thün, son apprenti, et de sa vieille servante Scholastique. L'époque n'est pas clairement énoncée mais différents faits historiques nous permettent de situer l'intrigue entre 1476 (le Brugeois Louis De Berquen découvre l'art de tailler les diamants en les frottant l'un contre l'autre) et 1536 (l'adoption de la Réforme par ce qu'on surnomme dès lors la Rome protestante).

En ces temps d'obscurantisme, pas besoin d'entraîner ses héros au cœur des superstitieuses Carpates – comme le ferait Verne en 1892 – pour mettre en scène la croyance en des maléfices. Car comment expliquer autrement ce mystère : réputé par-delà les frontières, Zacharius apprend que toutes les montres qu'il a vendues ces dernières années s'arrêtent subitement de trotter, sans explication possible. Sur celles qu'on lui rapporte, il constate le bon état des rouages mais le manque d'élasticité des ressorts. La santé physique et mentale du vieil homme se dégrade, laissant pourtant vif un orgueil démesuré : « non, je ne puis pas plus mourir que le Créateur de cet univers soumis à ses lois ! Je suis devenu son égal et j'ai partagé sa puissance ! Maître Zacharius a créé le temps, si Dieu a créé l'éternité ».

Déjà auteur de l'opéra-comique Candide (1995), on soupçonne Jean-Marie Curti d'aimer s'attacher à des textes teintés de philosophie. Dans le cas présent, son livret pèche par une trop grande fidélité à Jules Verne [lire notre entretien]. Ainsi, malgré son nom délectable, pourquoi s'encombrer de Scholastique (Txelin Victores-Benavente), omniprésente et quasi muette ? L’écrivain nous présentait suffisamment Gérande comme une dévote pour qu'on pût se débarrasser d’un personnage aussi ridicule – et qu'on imagine mal, d'ailleurs, en expédition dans les gorges des Dents-du-Midi ! L'échange entre le maître et l'apprenti est le moment particulièrement ennuyeux d'une partition qui sème en route le spectateur, lequel peine à trouver attachant les protagonistes – singulière faiblesse de diction et de charisme d'Annastina Malm, pourtant l'héroïne.

Rendant compte du passage du temps, les deux percussionnistes de l'Orchestre de l'Opéra-Studio de Genève soulignent également la nervosité qui s'empare de L'Horloger, Arnaud Guillou, baryton sonore et stable. Le ténor Benoît Porcherot (L’Apprenti) s'avère d'abord tendu avant de s'assouplir. Habitué au répertoire baroque, le contre-ténor Christophe Carré est un Seigneur Pittonaccio diabolique et efficace. Enfin, incarnant tour à tour des bourgeoises et des divinités naturelles, moqueuses ou inquiétantes, Eléonore Lemaire, Pauline Leroy, Joanna Malewski et Camille Slosse forment un quatuor équilibré qui relance régulièrement l’intérêt.

LB