Chroniques

par isabelle stibbe

Magdalena
opéra d’Heitor Villa-Lobos

Théâtre du Châtelet, Paris
- 18 mai 2010
Kate Whoriskey met en scène Magdalena de Villa-Lobos au Châtelet (2010)
© marie-noëlle robert

Àbas la sonorisation !
C’est ce qu’on a envie de crier à la sortie de la représentation de Magdalena au Châtelet – et beaucoup ne s’en privent pas. Par principe, on a du mal à admettre la sonorisation, qui plus est dans un théâtre à l’italienne censé favoriser les voix et offrir une excellente acoustique. Pourquoi par principe ? C’est que la projection de la voix d’un chanteur s’apprend, ou en tout cas le devrait, au même titre que la gestion du souffle, les trilles ou l’articulation. C’est aussi qu’il faut un réglage minutieux pour que la sonorisation passe inaperçue, ce qui n’était manifestement pas le cas en cette soirée de première où sautes de volume et grésillements intempestifs étaient au rendez-vous. C’est enfin que l’orchestre a tendance à jouer plus fort pour se mettre à la hauteur des voix sonorisées, au risque de les couvrir. Autant de désagréments qui obligent cet avant-propos pénible plutôt que de commencer par le réel intérêt de la soirée : la découverte du deuxième opéra d’Heitor Villa-Lobos.

Àpropos : opéra, opéra-comique ou comédie musicale ?
Difficile à dire tant l’ouvrage est bariolé, tant musicalement que stylistiquement. Écrit en 1948 par le compositeur brésilien dont on célébra (fort peu) le centenaire de la mort l’an dernier, Magdalena forme un étonnant patchwork qui explique peut-être la méconnaissance de cette œuvre vocale, contrairement à ses célèbres Bachianas brasileiras. Ici, l’orchestration est riche et complexe, mais on reste un peu perplexe devant ce « musical adventure » hésitant entre mélodies populaires, probables parodies et influences occidentales.

Le livret est à l’avenant, mêlant le farcesque (les déboires du général Carabana et de sa maîtresse parisienne, cuisinière hors pair et caractère bien trempé) et le religieux (le christianisme des indiens Muzos opposé à la foi primitive des Indiens Chivos) sur fond de lutte sociale (les Muzos cessent leur travail dans les mines d’émeraude pour protester contre le général Carabana qui les exploite) et d’amour tragique.

On ne doute pas que sur pareil livret, le passage du texte à la scène soit difficile à opérer.
Si le début semblait bien commencer avec une scénographie très jolie, évoquant les mines d’émeraudes par des myriades de lanternes vertes, la représentation de Paris façon Ratatouille (le dessin animé) entraîne tout à coup la mise en scène de Kate Whoriskey dans un kitsch déconcertant où on ne s’étonne plus dès lors de trouver des danseuses à plumes vertes ! Dans ce grand fourre-tout visuel, les chanteurs s’en sortent comme ils peuvent, avec un certain abattage pour la Teresa d’Aurélia Legay ou le Carabana de François Leroux, mais par un jeu tout de même assez outré.

Ce sont ces deux mêmes artistes qui, avec le ténor Miamli Lalapansti (Pedro) font entendre les voix les plus solides. Marie-Ève Munger est tout à fait crédible en Maria mais on regrettera une plus grande émotivité qui occasionne parfois un serrage vers les notes aigues, fort heureusement compensé par un timbre frais et une ligne de chant charmante. On regrettera enfin, dans la direction de Sébastien Rouland, une impression d’à-peu-près due aux nombreux décalages des ensembles tant vocaux qu’instrumentaux. On espère que les représentations suivantes auront réglé tous ces problèmes.

IS