Chroniques

par laurent bergnach

Matthias Pintscher et l’Ensemble Intercontemporain
œuvres de Mahler, Ratkje et Šenk

Cité de la musique, Paris
- 23 septembre 2014
création d’Iris de Nina Šenk, par Matthias Pintscher et l'EIC
© jenny sieboldt

À la fin du printemps, les magasins offrent à prix cassé tout un stock hétéroclite, alléchant mais souvent dispensable, dans lequel on peine à trouver son bonheur. En ce premier jour d’automne, l’Ensemble Intercontemporain propose un menu fourre-tout à une table désertée.

Un court-métrage entraine tout d’abord le public dans l’atelier d’un peintre-barbouilleur, introduction muette à Iris, création mondiale signée Nina Šenk (née en 1982) [photo]. Inspirée par un conte éponyme d’Hermann Hesse, sa pièce se voulait initialement vocale mais Matthias Pintscher, ancien professeur de la créatrice et commanditaire, l’a encouragée « à trouver des qualités propres au chant sans faire appel à la voix humaine ». Pour endiguer tout un flot de pensées existentielles (sur l’évolution des perceptions esthétiques, en particulier), elle a choisi aussitôt l’alto, lequel représente « un individu dans sa course effrénée à travers l’existence, prenant à peine le temps de se poser et d’admirer la beauté qui l’environne ». Virtuose et omniprésente, Odile Auboin est l’héroïne de cette œuvre tendre et aérée qui papillonne plus qu’elle ne chemine.

L’auditeur découvre ensuite un extrait de Voice – Sculpting Sound, un long-métrage à sortir en 2015, dont il est l’otage privilégié. Accompagné autant par la musique de la Norvégienne Maja Solveig Kjelstrup Ratkje (née en 1973) que par les grincements du changement de plateau, ce fragment mêle scènes de vie familiale, film touristique et documentaire animalier approchant 99,9% sur l’échelle de la platitude. La compositrice interprète alors Concerto for Voice (moods IIIb), créé à Graz en 2007, en performeuse saluée par Pintscher – « issue du jazz et de l’interprétation vocale,elle ne chante pas réellement mais utilise sa voix d’une manière que je n’ai jamais entendue chez personne d’autre ». Trois fois hélas, nous si ! et il est difficile d’applaudir une formule déjà servie par Nina Hagen ou Iva Bittová [lire notre chronique du 27 mars 2006], improvisée ou pas. Le reste est une somme d’emprunts à divers courants (spectral, répétitif, new age, etc.) où surnagent sons d’accordéon et de machine à écrire.

L’entracte terminé, deux chanteurs gagnent la scène : le mezzo-soprano Lilli Paasikivi, à la voix ample, chaude et colorée, et Steve Davislim, ténor souple, sombre et nuancé. Tant bien que mal, ils vont interpréter une transcription chambriste de Das Lied von der Erde (1911), réalisée en 2006 par Glen Cortese, actuel directeur musical du Greeley Philharmonic Orchestra (Colorado, USA) : c’est que, les couvrant lorsqu’il ne les étouffe pas à alanguir les tempi, Matthias Pintscher n’est pas partenaire. De plus, sa lecture déliquescente est absolument dépourvue de lumière et de légèreté, plombée d’approximations à glacer le sang.

Au terme de la plus mauvaise soirée de ces derniers mois, le constat est sans appel : si l’intéressé continue de promener la Rolls’ qu’on lui a confiée entre marécages et catacombes, le pire est à craindre pour l’avenir… de bien des choses.

LB