Chroniques

par gilles charlassier

Maxim Emelyanychev dirige Il Pomo d’Oro
Georg Friedrich Händel | Rodelinda (version de concert)

Karina Gauvin, Marie-Nicole Lemieux, David DQ Lee, etc.
Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 23 janvier 2017
Maxim Emelyanychev joue Rodelinda, dramma per musica d’Händel
© véronique jourdain artists management

La vaste production lyrique d’Händel ne néglige pas la diversité : la saison 1724/25 du Saxon au King's Theater de Haymarket (Londres) voit la création de Tamerlano, Giulio Cesare et Rodelinda. Si le public parisien est désormais relativement familier des deux premiers, il a en revanche un peu moins de chance que son homologue new-yorkais quant au dernier, l'un des rares opus baroques à avoir été mis à l'affiche du Metropolitan Opera – l'aura de Renée Fleming n'y est sans doute pas étrangère [lire notre chronique du 3 décembre 2011].

L'avenue Montaigne répare désormais ce déséquilibre, à l'occasion d'une tournée de concerts du nouveau prodigue des écuries sur instruments d'époque, Maxim Emelyanychev et son orchestre Il Pomo d'Oro. Le chef russe [photo – lire notre chronique du 13 novembre 2016] n'a en effet nul besoin de caricaturer la dynamique des tempi ou des textures pour restituer la vitalité à la fois intimiste et dramatique de la partition – à cette aune, la répartition modale des arie se révèle très instructive, donnant une tribune au mineur nettement plus significative que, par exemple, dans le contemporain Giulio Cesare : la peinture psychologique des sentiments prime sur l'épopée. Sans aucunement s'effacer, la direction musicale, d'une élégance intelligente, se conçoit à juste titre comme un écrin, parfois spéculaire, de l'art vocal.

Dans le rôle-titre, Karina Gauvin irradie par un engagement si évident que le gosier pallie aisément le théâtre. La chair du timbre laisse s'épanouir la sensibilité du personnage, jusque dans des da capo équilibrés, démontrant un instinct musical et une inventivité qui ne versent jamais dans l'exhibitionnisme. En Bertarido, l'époux donné pour mort, Marie-Nicole Lemieux s'appuie sur les ressources de son mezzo pour ménager des effets que les aficionados ne bouderont pas, tandis que nul ne doute de l'efficace dosage entre puissance, séduction et androgynie offert par la Canadienne.

Le reste du plateau réserve des bonheurs plus divers.
Rien ne saurait réellement être reproché à l'Eduige de Romina Basso, honnête, sans mendier un éclat hors de propos, d'autant que l'on a déjà entendu la soliste italienne dans des compositions bien moins satisfaisantes. Le Grimoaldo de Juan Sancho aura l'excuse du remplacement de dernière minute, John Mark Ainsley étant souffrant. Nonobstant ces circonstances atténuantes, l'agilité du ténor sévillan n'échappe pas à quelques menues mais néanmoins dommageables inconstances techniques. Assumant Unulfo, David DQ Lee ne commet point d'impair, mais semble ce soir une pâle copie de débuts particulièrement prometteurs. Enfin, Garibaldo revient au solide Konstantin Wolff, soucieux d'en faire ressortir la soif de pouvoir et la perfidie.

GC