Chroniques

par katy oberlé

Messa da Requiem de Giuseppe Verdi
Rundfunkchor Berlin, Berliner Philharmoniker, Marek Janowski

María José Siri, Daniela Barcellona, Roberto Aronica, Riccardo Zanellato
Philharmonie, Berlin
- 12 janvier 2017
à Berlin, Marek Janowski remplace Riccardo Chailly dans le Requiem de Verdi
© felix broede

Commencer la nouvelle année par un Requiem n’est pas ce qu’on pourra considérer du plus glamour. Trois semaines après le choc du Weihnachtsmarkt de la Breitscheidplatz, à moins de trois kilomètres du fameux édifice d’Hans Scharoun, le premier concert des Berliner Philharmoniker revêt un sens que ne pouvaient deviner ses organisateurs, quelques années avant l’événement. Riccardo Chailly devait initialement diriger, mais le maestro milanais, souffrant, dut annuler – je me déplaçais pour lui, dommage… Ayant joué cette Messa da Requiem de Verdi à la tête de son Rundfunk Sinfonieorchester il y a deux ans (avec Hulkar Sabirova, Marina Prudenskaïa, Stefano Secco et Günther Groißböck), Marek Janowski vient sauver la soirée et, par la même occasion, retrouve la barre hautement convoitée des Philharmoniker qu’il n’avait plus fréquentée depuis une vingtaine d’années.

L’œuvre, dont mon jeune collègue livrait récemment une présentation clairement documentée [lire notre chronique du 20 octobre 2016], affirme une inalianità opératique nettement mise en lumière par la distribution vocale. La clarté et la santé éclatante de Roberto Aronica, y compris dans les passages les plus acrobatiques que le Cygne de Busseto a réservé au ténor. La qualité double de la grande basse Riccardo Zanellato sert aussi bien la majesté recueillie de la Miséricorde que l’airain du Jugement dernier. Le soprano uruguayen María José Siri domine le plateau par la puissance, s’envolant dans le ciel de l’orchestre avec une facilité formidable. Malgré tout, le timbre accuse une acidité gênante. Quant à elle, Daniela Barcellona – excellente, comme toujours ! – domine par la musicalité et par l’émotion. La richesse du vibrato sort la messe de l’église où nous ne sommes d’ailleurs pas pour la mettre sur les planches, sous les projecteurs. Ce chemin d’édification religieuse par le théâtre reste dans la tradition italienne, venu des dorures et des volutes de la contre-réforme et perdurant dans le dernier tiers du XIXe siècle. L’éloquence du mezzo-soprano contamine avec bonheur les ensembles et stimule l’expressivité des musiciens et des choristes.

De longue date les voix du Rundfunkchor Berlin sont complices de Janowski. D’une baguette nerveuse, le chef les enflamme pour une exécution brûlante qu’il fait cependant naître des ténèbres. Le Dies irae devient littéralement fou ! La violence de l’interprétation fait corps avec celle du propos – relisez les Écritures, vous verrez. La performance chorale est prodigieuse en tout point. Elle envahit l’acoustique inégalée de la Philharmonie berlinoise. L’intensité de la dynamique anime la direction, les Berliner appuyant l’expressivité instrumentale sur des pianissimi mystérieux et des ruptures saignantes, la battue les invitant à des contrastes robustes. Entre introspection et lyrisme, cette interprétation marie idéalement encens et cothurnes. Unique regret, qui résulte de cette frontalité même : des cordes sans souplesse, continuellement dans l’urgence. Un Requiem sans répit, donc, mais un beau Requiem, quand même !

KO