Chroniques

par irma foletti

Nabucco | Nabuchodonosor
opéra de Giuseppe Verdi

Opéra de Nice
- 22 mai 2018
à l'Opéra de Nice, reprise du Nabucco (Verdi) de Jean-Christophe Mast
© dominique jaussein

L’Opéra de Nice reprend, en coréalisation avec l’Opéra de Toulon, la production créée à Saint-Étienne en juin 2016 (les quatre représentations niçoises seront suivies, début juin, d’une série de trois toulonnaises, avec exactement la même équipe artistique, à l’exception du chef d’orchestre). La mise en scène de Jean-Christophe Mast est stylisée et dépouillée à l’extrême, les éléments de décors se réduisant à trois ou quatre silhouettes de colonnes descendant et remontant dans les cintres, un podium en cube avec quelques marches d’accès et une rangée de spots lumineux, en fond de plateau, qui éclairent par moments la fumée dispersée. Au fur et à mesure de l’avancée de l’intrigue, Zaccaria, Abigaille et Nabucco accèdent au podium. Les lumières, réglées par Pascal Noël, sont particulièrement efficaces et esthétiques, comme celles précédant puis accompagnant l’air de prière de Zaccaria Vieni, o Levita. Les costumes de Jérôme Bourdin différencient nettement les deux camps : des vêtements clairs pour les Hébreux et du noir chez les Babyloniens. Abigaille porte une coiffe présentant le squelette, noir, d’un petit animal cornu. Le traitement est simple, les mouvements de foule bien réglés, même si la chorégraphie des guerriers babyloniens, maniant leur lance jaune, est parfois à la limite de cette harmonie. Lorsqu’il est pris de démence, Nabucco est déplacé sur sa chaise roulante, puis il reste immobile, allongé à terre, pendant toute la seconde partie de l’Acte III (Va’, pensiero, puis l’air de Zaccaria), se relevant au dernier acte, comme une renaissance.

Dans le rôle-titre, le baryton Sergueï Murzaev développe un volume considérable, mais au détriment du phrasé, dans un style vériste qui convient beaucoup plus à Scarpia. Plusieurs notes sont prises par-dessous et, par ailleurs, le registre grave est plutôt limité [lire nos chroniques du 22 janvier 2013, du 17 avril 2012, du 3 décembre 2009, du 25 janvier 2007 et du 14 octobre 2005]. L’Abigaille de Raffaella Angeletti fait illusion dans ses premières interventions, lorsqu’elle projette ses aigus dardés, donnant toutefois l’impression d’aller au delà de ses moyens naturels [lire notre chronique du 20 février 2003]. Puis on craint rapidement pour sa santé vocale en entendant un medium rétréci, un petit accroc au deuxième acte venant confirmer le problème. En Zaccaria, le basse Evgueni Stavinsky se montre définitivement plus robuste, chanteur de grande ampleur au timbre noble, doué de mordant dans les cadences rapides, par exemple Come notte a sol fulgente. Jesús León (Ismaele) nous paraissait plus en situation dans son récent Roméo, ici-même [lire notre chronique du 23 mars 2018], qu’à pourvoir un ténor purement verdien : la voix est bien concentrée, claire et facile dans l’aigu, mais le timbre est un peu pointu. Julie Robard-Gendre en Fenena semble être la plus belle artiste de la soirée, le meilleur alliage entre puissance et beauté d’une voix riche en harmoniques. Elle délivre en tout cas de magnifiques piani [lire nos chroniques du 6 février 2018, du 5 décembre 2017, du 23 mars 2010 et du 12 février 2009]. Florina Ilie (Anna), Nika Guliashvili (le Grand Prêtre) et Frédéric Diquero (Abdallo) complètent la distribution avec assurance.

Le chef György Győriványi Ráth conduit de manière plutôt classique un Orchestre Philharmonique de Nice de très belle qualité, sans excès de variation des couleurs, des nuances ou des contrastes. Le Chœur se montre enthousiaste, mais on repère de brefs défauts de cohésion ou de soutien sur les nuances piano. Il faut dire que les choristes toulonnais et niçois ont été réunis pour l’occasion et, visiblement, le morceau de choix Va’, pensiero, très réussi et émouvant, a été le plus répété.

IF