Chroniques

par hervé könig

Nicolas Altstaedt joue le Concerto de William Walton
Michael Schønwandt dirige le SWR Sinfonieorchester

œuvres de György Kurtág et de Richard Strauss
Liederhalle / Beethovensaal, Stuttgart
- 17 janvier 2020
Michael Schønwandt dirige le SWR Sinfonieorchester à Stuttgart, 17 janvier 2020
© hans van der woerd

Retrouvailles avec la belle acoustique de la Beethovensaal de Stuttgart, en ce tout début d’année, où le Südwestrundfunk Sinfonieorchester donne ce fort beau concert entamé par une œuvre encore récente, puisqu’elle fut écrite entre 1991 et 1996. Il s’agit de Messages pour orchestre Op.34, cinq mouvements très brefs adressés par György Kurtág à quelques-uns de ses amis. Le chef danois Michael Schønwandt gagne le podium et invite la Lettre à Péter Eötvös, petit mélisme de violon suivi d’un continuum très doux des vents. L’Hommage à Alfred Schlee, « Aus der Ferne » se dessine dans les flûtes, les cors et le cymbalum. L’Hommage à Simon Albert, …a solemn air…, plus développé, oppose de tendres alliages de bois à des cuivres assez soutenus. Dédié au compositeur Zoltán Jeney (1943-2016), le quatrième moment utilise les cordes ; on apprécie la phrase de contrebasse, plutôt difficile dans l’aigu, jouée par Sebastian Breidenstein. Les fleurs sont le peuples est dédicacé au grand pianiste Zoltán Kocsis, in memoriam Ottó Kocsis. La scansion s’installe fermement dans ce court et austère final où le piano intervient, mais encore la flûte à bec et même un chuchotement émis par la voix des instrumentistes – « Virág az ember ». Une puissante saillie percussive termine le cycle.

C’est à Ischia, l’une des très belles îles qui font face à Naples où il s’était installé depuis 1949 avec son épouse, que William Walton (1902-1983) a conçu sont Concerto pour violoncelle Op.68, entre février et octobre 1956. Le célèbre soliste russe Gregor Piatigorsky (1903-1976) le lui avait commandé et c’est lui qui l’a créé à Boston, le 25 janvier 1957, sous la direction de Charles Munch à la tête du Boston Symphony Orchestra. Avec cette œuvre, le compositeur britannique, alors considéré par ses contemporain comme le plus moderne d’entre eux, s’inscrivait pourtant dans l’héritage d’Elgar par le caractère résolument lyrique qu’il y a convoqué. En revanche, Walton n’a pas hésité à inverser l’équilibre habituel du genre en plaçant le mouvement rapide au centre, avec une première section Moderato pour commencer puis un Lento en fin, quoique relevé par un feux d’artifice Allegro molto, en dernier ressort. On retrouve avec plaisir l’excellent Nicolas Altstaedt [lire nos chroniques du Quatuor pour la fin du temps de Messiaen, du Concerto en ut mineur Op.43 de Weinberg et du Quintette avec piano de Bartók] dans la mélodie élégiaque qu’il articule dans un grand souffle expressif. Bondit alors l’Allegro appassionato central, virtuose, d’une sonorité plus âpre, qui superpose des entrelacs rythmiques par moments assez caustiques. À la danse colorée alterne le chant, sur un ton qu’on pourrait croire venu d’un film d’Hitchcock. Les interprètes ayant choisi de s’en tenir à la version originale, sans la cadence ajoutée plus tard, Tema ed improvvisazioni s’enchaîne dans un Lento libre à la saveur postromantique indéniable, malgré les ponctuations dans une harmonie proche de Britten. Après une improvisation véhémente du violoncelle, le mouvement reprend, Allegro molto, désormais, dans un déploiement orchestral spectaculaire. Mais le lyrisme triomphe avec le retour du climat de départ, plus solaire. La lecture d’Altstaedt brille d’une puissance expressive hors du commun et d’une grande musicalité.

Après l’entracte, un grand tube du répertoire symphonique allemand, puisqu’il s’agit du poème Ein Heldenleben Op.40 que Richard Strauss termina en décembre 1898, lors d’un séjour à Berlin. Il en dirige la première mondiale à Francfort, trois mois plus tard. Dans cet incroyable débauche orchestrale, le héros est tour à tour celui qui transmet les interrogations nietzschéennes et un double du compositeur amoureux de sa chère Pauline. Valorisée par une précision admirable et un fin travail de couleurs, l’interprétation de Schønwandt [lire nos chroniques de La petite renarde rusée, Szenen aus Goethes Faust, Turandot, Symphonie fantastique, L’Italiana in Algeri, War Requiem, Nabucco et Tristan und Isolde] paraît cependant peu inspirée, manquant l’élan, alors que la prestation de Jermolaj Albiker au violon, le Konzertmeister du SWR Sinfonieorchester, est de toute beauté.

HK