Chroniques

par isabelle stibbe

Norma
opéra de Vincenzo Bellini

Opéra national de Montpellier / Corum
- 17 juin 2007
Paul-Émile Fourny met en scène Norma de Vincenzo Bellini à Montpellier
© marc ginot | opéra national de montpellier

Si Bellini est un maître de la mélodie, celui dont le Casta diva influença si fort le Chopin des Nocturnes, il lui est souvent reproché ses faiblesses harmoniques. Même un amoureux du compositeur italien comme Hector Bianciotti a pu se dire gêné par la « soudaine, et insistante, vulgarité de certaines cadences, comme si le rythme se fâchait contre la mélodie, narguait la beauté ». À écouter les premières mesures données par l’Orchestre national de Montpellier Languedoc-Roussillon, que dirige Jean-Yves Ossonce, nul doute que les défauts de Bellini, loin d’être atténués, soient exacerbés. Lourd, comme englué dans la terre malgré les efforts des violons pour le mener vers des cieux plus délicats, l’orchestre fait ressortir les aspects les plus pompiers de l’œuvre.

La mise en scène plaquée de Paul-Émile Fourny et sa direction d’acteurs sommaire ne font rien, du moins au premier acte, pour compenser le manque d’expressivité de la fosse. Dans une lumière bleutée, un massif tronc d’arbre plombe une scénographie que seule une grande toile de fond vient éclairer, laissant apercevoir des ombres hésitant entre nuages ou feuillages. Après les prophéties d’Oroveso, le chef des druides, honnêtement interprété par la basse Enrico Iori, entrent sur scène Pollione et Flavio, par les ténors Antonio Nagore et Nikola Todorovitch. Malgré leurs qualités vocales, les deux ténors ne savent manifestement pas comment occuper l’espace : empruntés dans leurs costumes de Romains, ils semblent une caricature des (mauvais) productions des années cinquante. Après la révolution Callas, peut-on encore chanter en se plantant ainsi sur le devant de la scène, la main sur le cœur ? C’est pourtant ce que fait Pollione, qu’une voix sonore et bien timbrée ne suffit pas à rendre crédible – personnage psychologiquement assez sommaire, il est vrai.

Le Chœur de l’Opéra national de Montpellier est tout aussi mal dirigé.
Les déplacements qui annoncent la venue de Norma sont si convenus et attendus qu’ils en deviennent risibles. C’est donc avec une certaine anxiété que l’on attendait la prêtresse gauloise. Susan Neves devait incarner ce rôle écrasant, si redouté des soprani. C’est finalement une autre habituée du rôle, Hasmik Papian, qui la remplace. Elle aussi posée en milieu de scène, elle met du temps à installer son personnage. Dans le récitatif, sa recherche de l’articulation se fait au profit de l’expression. Est-ce le trac ? Son Casta diva est un peu bas et la voix s’y détimbre dans les phrases descendantes. Le soprano semble trop dans le contrôle pour lâcher complètement sa voix. Mais dès le péril de cet air passé, elle se libère et donne progressivement toute sa mesure, se révélant ample, puissante et parfois éclatante.

C’est avec l’arrivée Nancy Fabiola Herrera en Adalgisa que l’opéra prend de l’envol.
Le mezzo dispose d’une voix ronde, puissante et colorée. Scéniquement, il surpasse le reste de la distribution, sachant donner fragilité et émotion à son personnage de prêtresse dévouée à Norma. Les voix du soprano arménien et du mezzo nord-américain se marient superbement, tant à la fin du premier acte que dans le fameux Mira, o Norma du deuxième. Ce duo de femmes, le plus beau moment de cette production de l’Opéra de Nice, atteint une délicatesse contagieuse qui profite à l’orchestre, plus subtil qu’au début. Même la mise en scène s’améliore et devient moins paresseuse : les voiles de la chambre de Norma apportent une légèreté qui faisait défaut, tandis que le bouclier du dieu Irminsul et les lumières plus contrastées donnent de la vie au chœur des gaulois, galvanisé par une ardeur guerrière. Ainsi, sans entrer dans les Norma de légende, cette réalisation ne mérite pas non plus d’être vouée aux gémonies.

IB