Chroniques

par vincent guillemin

Orchestre de Paris
Dvořák et Martinů par Tomáš Netopil

Salle Pleyel, Paris
- 25 septembre 2014
Tomáš Netopil dirige l'Orchestre de Paris, programme Dvořák et Martinů
© dr

Alors qu’en ce début de saison continue la valse des démissions et annulation de chefs, qu’on assiste chaque jour à de nouveaux rebondissements d’un système qui n’accepte pas d’avoir vécu, on oublierait presque le plus important : la musique. Pour la retrouver, peut-être faut-il se tourner vers des artistes solides et peu enclin au marketing, mais pourtant toujours passionnants, comme sait l’être Tomáš Netopil, directeur musical de l’Aalto-Musiktheater d’Essen, invité à Paris dans un original programme tchèque.

Ouvrir par une œuvre d’une vingtaine de minutes pourra surprendre, le chef ayant choisi de donner en premier lieu le rare Te Deum Op.103 de Dvořák (pour soprano, baryton, chœur et orchestre). Créée en octobre 1892 à Carnegie Hall, cette hymne esquissée en une semaine à peine répondait à la commande d’une cantate pour le quatre centième anniversaire de la découverte du continent américain par Christophe Colomb. Le texte demandé tardant à arriver, le compositeur lui substitua les versets religieux, en corrélation avec les attentes des commanditaires et la nature festive de l’évènement. Dès les premières secondes, l’Orchestre de Paris fait entendre un vigoureux travail de préparation : les bois sont plus clairs qu’à l’accoutumé et les couleurs plus slaves. Entendu il y a deux ans avec la même formation dans le Requiem de Dvořák [lire notre chronique du 28 novembre 2012], mais encore salué à plusieurs reprises dans le répertoire wagnérien, le soprano Aga Mikolaj projette d’un timbre lumineux une partie d’aigus étincelants, tandis que le jeune baryton lituanien Kostas Smoriginas éclaircit lui aussi son intervention, transmettant parfaitement cet hommage extraverti. Le Chœur de l’Orchestre de Paris (dirigé par Lionel Sow) accompagne rigoureusement le tout.

Le Concerto pour deux pianos de Bohuslav Martinů est lui aussi peu présent dans les salles de concert. Composé au début de l’année 1943 aux États-Unis, où le musicien avait émigré, il affiche une noirceur marquée par des rythmes percussifs et une nostalgie folklorique, sans s’encombrer de pathos. Là encore, louons l’Orchestre de Paris et principalement son premier violon, Roland Daugareil, très attentif aux indications du chef, surtout lorsqu’il doit adapter le rythme aux sœurs Labèque. Des deux, on entend une fois encore la plus exubérante Katia, tandis que le tempérament de Marielle correspond mieux à la première portée qu’à la seconde. Des deux, on entend une fois encore la plus exubérante Katia, tandis que le tempérament de Marielle correspond mieux à la première portée qu’à la seconde. Cette œuvre n’est pas la plus passionnante de Martinů, et révèle qu’il ne sait pas tout à fait quoi faire du second piano, fort redondant, ou souvent utilisé simplement en basse continue, sans doute aussi en respect de la toccata directement visée comme référence. Elle n’en reste pas moins agréablement relevée par l’équipe de ce soir.

En seconde partie s’impose la Symphonie en sol majeur Op.88 n°8 de Dvořák, sa qualité rappelant sa plus grande importance dans la littérature musicale que les deux pièces précédentes, et permettant du même coup plus de comparaison afin de juger mieux l’intelligence de l’interprétation. Ni l’orchestre ni le chef n’ont à pâlir des références. Les cordes chaudes – qu’on entend depuis quelques années grâce au travail de Paavo Järvi – exaltent la partition dès les premiers instants. Toujours très boisés, les flûtes développent une sonorité tournée vers l’est européen, tandis que cors et trompettes affichent une qualité des grands soirs. La valse surtout, Allegretto gracioso, est travaillée avec tant de précision et de lyrisme qu’on y découvre à la fois toute la parenté brahmsienne et de nombreuses inspirations folkloriques.

Confirmant ce que nous avions entendu dans la Neuvième du même compositeur l’an passé [lire notre chronique du 4 octobre 2012], Tomáš Netopil lie dans une même lecture dynamisme, tradition et souffle lyrique. Pour le réentendre, courez cette saison à Essen où il joue Jenůfa et Die Walküre, si ce n’est à Vienne en novembre où il remplacera Franz Welser-Möst (démissionnaire) dans La petite renarde rusée !

VG