Chroniques

par bertrand bolognesi

Příhody Lišky Bystroušky | La petite renarde rusée
opéra de Leoš Janáček

Opéra national de Paris / Auditorium Bastille
- 25 juin 2010
La petite renarde rusée (Janáček) à Bastille : reprise de la production Engel
© christian leiber | opéra national de paris

Montrée, vue, reprise, la mise en scène d’André Engel fit son entrée à l’Opéra, il y a deux ans, après bien des péripéties. Il n’empêche : la production, pour n’être pas nouvelle, fonctionne à merveille, invitant comme aucune à nous en tenir à la scène plutôt qu’à fréquenter des captations indigentes comme celle que l’on sait qui, non contente de ne pas lui faire honneur, la dénature totalement jusqu’à grossir le trait, la démunir de son humour, de sa poésie, de sa fraîcheur [lire notre critique du DVD]. On saluera bien plutôt la gentille loufoquerie du fin travail d’Engel, pas si éloigné, croyons-le, d’un certain esprit contemporain de l’œuvre elle-même. Mais à rire, n’en croyons pas à l’anodin – et si Janáček sut donner une issue tragique au récit de Rudolf Těsnohlídek, ledit Těsnohlídek, quatre ans après la création de l’opéra La petite renarde rusée (Brno, novembre 1924), se tirait une balle dans la tête (Brno, janvier 1928) : l’on sait comme ironie et mélancolie font volontiers bon ménage.

De fait, à la tête d’un Orchestre de l’Opéra national de Paris en grande forme, Michael Schønwandt, tout en profitant de cordes qu’il rend opulentes, des harmonies des cuivres et d’une somptueuse coloration des bois, instille de l’inquiétude dans la fosse, dès les premiers pas. On saluera le soin remarquable dont font l’objet les traits solistiques de la partition, comme la vitalité des tutti, toujours d’une grande souplesse.

Cette souriante parabole sur la liberté comme profonde nature, liberté se révélant bien peu humaine, est servie par un plateau vocal efficace. On y apprécie le toutou-poète un rien lubrique de Letitia Singleton au legato bien mené, le chant solide de Paul Gay en Harašta et le brillant Renard de Hannah Esther Minutillo. On y applaudit la truculente épouse du Garde-chasse avantageusement campée par Michèle Lagrange, égale à elle-même, le Curé fermement timbré et sensiblement nuancé de Gregory Reinhart, la clarté de Luca Lombardo en Instituteur, l’attachant Garde-chasse de Jean-Philippe Lafont et, bien sûr, la réjouissante agilité vocale de l’excellente Adriana Kučerová au service d’une Renarde idéale.

« Est-ce un conte ou la réalité ? », s’interroge le Garde-chasse. À coup sûr, un conte, la faune printanière s’ébattant sous la neige dans la proximité d’un champignon d’automne !

Félicitons les enfants de la Maitrise des Hauts-de-Seine et du Chœur d’enfants maison qui habitent la scène d’autant de petites créatures multicolores. Et, à parler des petits, signalons au passage la belle opération dans laquelle l’institution parisienne se lance : offrir aux familles des billets à prix doux (de 80% à 50% du tarif normal), du 1er au 12 juillet. Profitez-en (0892 899 090) !

BB