Chroniques

par bertrand bolognesi

Perelà, uomo di fumo | Perelà, homme de fumée
opéra de Pascal Dusapin

Opéra national de Paris / Auditorium Bastille
- 1er mars 2003

Par le passé, Pascal Dusapin, musicien prolixe et souvent joué, régulièrement à l’honneur de divers festivals, produisit quelques ouvrages pour la scène. On se souvient de Niobé ou le rocher de Sipyle en 1982 (dont l’Opéra de Lausanne s’apprête à donner une nouvelle production), de Medeamaterial à partir du texte de Heiner Müller en 1990, repris dans une nouvelle mise en scène à Nanterre il y a deux ans, de Roméo et Juliette, de To be sung à Nanterre également en 1994 et du ballet Nosferatu qui réunissait plusieurs pièces d’orchestre pour l’Opéra national de Paris en mai 2001. C’est dire l’intérêt de l’auteur pour la représentation.

Cette fois, il s’appuie sur l’œuvre d’Aldo Palazzeschi, romancier et poète florentin qui se distingua par la distance qu’il prit de l’influence D’Annunzienne par un style souvent narquois, ironique, aux sujets parfois un brin loufoques, et encore peu connu en France, si ce n’est pour Les sœurs Materassi, récit à l’humour grinçant mais assez réaliste et loin des audaces des poèmes de L’Incendiaro ou du Codice di Perelà qui inspire l’opéra de ce soir.

On a du mal à rapprocher la proposition de Dusapin de la parenté au mouvement futuriste de l’écrivain, et sa partition à une verve peut-être plus ancienne mais nettement plus riche. Ce constat n’est pas très aimable ; pourtant les longs statismes interminables d’une musique qui tourne sur elle-même, à l’exemple de celles mises bout à bout pour Nosferatu ou du Concerto pour piano présenté à Strasbourg cet automne, n’engagent guère à une écoute plus passionnée. C’est aussi pauvre qu’une pièce minimaliste américaine d’il y a trente ans, avec un savoir faire d’orchestrateur qu’on ne niera pas, mais ici mis au service de pas grand’chose.

Les propositions de mise en scène de Peter Mussbach sont toujours aussi gracieuses et délicates que lors d’autres spectacles. On commencerait presque à s’habituer à l’artillerie lourde d’images appuyées et de choix criards. Seuls les décors d’Erich Wonder et quelques uns des costumes féminins réalisés par Andrea Schmidt-Futterer renvoient à une certaine poésie, non sans talent.

Enfin, l’on prend plaisir à entendre quelques voix.
La Reine est chantée par Yougok Shin au timbre présent, Nora Gubisch campe une sensuelle Marquise Oliva, usant du grain particulier qu’on connaît à sa voix chaleureuse et enveloppante, et nous retrouvons avec le même bonheur un Gregory Reinhart en pleine forme (Pilone). La fosse est confiée aux bons soins de James Conlon qui s’avère plus précis qu’à son habitude, sans offrir pour autant une lecture cohérente et encore moins brillante de l’ouvrage. Louons la première institution d’opéra de France de commander de nouveaux ouvrages à des compositeurs d’aujourd’hui. C’est la règle du jeu et ce le fut de tout temps : parfois, le résultat est prodigieux, d’autres fois la tentative est peu probante.

BB