Chroniques

par hervé könig

Prodaná nevěsta | La fiancée vendue
opéra de Bedřich Smetana

Garsington Opera
- 30 juin 2019
Au Garsington Opera, Paul Curran met en scène La fiancée vendue (1866)
© clive barda

Après Longborough hier [lire notre chronique d’Anna Bolena], la nouvelle tournée britannique de votre serviteur s’installe à Garsington où découvrir une nouvelle production de La fiancée vendue, deuxième des huit opéras de Bedřich Smetana, et de loin le plus célèbre. Après le manifeste pour un art lyrique purement tchèque qu’avait été Les Brandebourgeois en Bohème (Braniboři v Čechách, 1863) et avant le sévère Dalibor (1867), le compositeur a prouvé avec cette œuvre sa capacité à traiter un sujet enlevé, une bluette villageoise, par une musique légère traversée de danses. Achevée en 1866, elle fut créée à Prague le 30 mai de la même année, avec succès.

Pour le mettre en scène, Paul Curran transpose l’ouvrage en Angleterre, dans les années soixante. C’est assez osé, si l’on se souvient que La fiancée vendue est considérée par le plus grand nombre comme l’essence même de l’opera buffa à la mode tchèque ! La surprise passée, on se rend rapidement compte que l’œuvre supporte sans problème ce qui aurait pu paraître un déracinement. En déplaçant l’action dans une salle de bal municipale au premier acte, dans un pub tout ce qu’il y a de plus british au deuxième, puis dans un cirque au III, Curran conduit l’œuvre à l’universalité. La composante folklorique se fond parfaitement dans le décor naturaliste de Kevin Knight (qui a aussi réalisé les costumes), grâce à la chorégraphie très plaisante de Darren Royston. Dans ce cadre, une direction d’acteurs pétillante mène le jeu avec un humour à cent à l’heure, couronné par une partie de fléchettes monstrueusement drôle. On rit de bon cœur – cela tombe bien, s’agissant d’une comédie.

Au pupitre du Philharmonia Orchestra, Jac van Steen fait virevolter la pièce en un tourbillon de danses, de rythmes, d’accents, de joie. Chaque numéro est bien rendu, main dans la main avec l’équipe vocale. C’est un peu plus difficile avec le chœur qui s’en sort comme il peut avec la langue tchèque et de nombreux décalages rythmiques…

Et quelle équipe, justement ! Natalya Romaniw campe une extraordinaire Mařenka, la fiancée, en déployant un soprano dramatique généreux et agile, contrairement aux définitions des registres. Le rôle y gagne une onctuosité magnifique, la possibilité de n’être pas toujours exclusivement comique, tout en restant primesautier à souhait. Le ténor héroïque de Brenden Gunnell [lire notre chronique d’Oberon] avantage Jeník, amoureux sincère et malin, incarné avec une ardeur évidente. On apprécie beaucoup le second ténor, dans une partie moins soutenue, Stuart Jackson réservant une douceur séduisante au malheureux Vašek, qu’il fait prendre en pitié. Avec l’Esmeralda impeccable de Lara Marie Müller, applaudissons le stentor Joshua Bloom, basse spectaculaire dans le rôle de Kecal [lire notre chronique de The pirates of Penzance]. Avec cette Fiancée vendue, le divertissement retrouve ses lettres de noblesse.

HK