Chroniques

par gilles charlassier

...quelques oiseaux...
Olivier Messiaen par Roger Muraro

Festival de Saint-Riquier / Gentilhommière du Cap Hornu
- 7 juillet 2019
Au Festival de Saint-Riquier 2019, Roger Muraro joue Olivier Messiaen...
© festival de saint-riquier

Au lendemain de la journée consacrée aux orchestres d’harmonie, le Festival de Saint-Riquier invite Roger Muraro, dans l’un des plus beaux panoramas de la Baie de Somme, Saint-Valéry-sur-Somme. En marge du village, la Gentilhommière du Cap Hornu, qui offre une vue privilégiée sur le paysage marin, constitue un écrin intimiste pour un récital commenté, comme les affectionne le pianiste français.

Un mois avant d’affronter une nouvelle fois l’intégrale du Catalogue d’oiseaux d’Olivier Messiaen en clôture de l’édition 2019 du rendez-vous annuel dédié au compositeur à La Meije, il propose au public picard, attentif, trois des sept livres du cycle, introduits par la présentation des motifs imitant le babil des personnages ornithologiques, ainsi qu’une vue d’ensemble de la construction des pièces et de l’architecture du recueil. Ne se limitant pas au pédagogique, les vertus de l’exercice invitent à un voyage poétique par étapes choisies, où la compréhension du discours enrichit l’initiation à un imaginaire admirablement documenté par la veille attentive à l’invention de la Nature.

Composé de trois numéros, le Livre I s’ouvre sur Le chocard des Alpes et son chant régulièrement interrompu dans un panorama abrupt, comme les humeurs du volatile. La puissance et la précision parfois tranchante de la sonorité ne cède pas à la tentation du métallique. Le loriot, qui lui succède, affirme une volubilité fluide, dans des camaïeux étourdissants, maîtrisés sans ostentation inutile. La tendresse du Merle bleu referme ce triptyque dans une évocation lyrique portée par une belle ligne, assaisonnée de pépiements à la fois chatoyants et têtus.

Le Livre V fait d’abord retentir le babil bref et mutin de L’alouette calandrelle, plongé dans l’après-midi torride d’une aride Provence. Les « percussions monotones des cigales » symbolisent une torpeur minérale troublée à peine par quelques staccati obstinés. Déployant l’évolution de la scène oiselière depuis le zénith jusqu’au soir, la page respire d’abord, sous les doigts de Roger Muraro, comme un kaléidoscope d’estampes. La bouscarle de Cetti reste dans la même veine descriptive, en milieu plus aquatique – une Charente baignée de halos remarquablement texturés.

Le septième et dernier Livre est, comme le premier, un triptyque. La buse variable prend un tour nettement plus narratif, presque entomologique dans la description d’un écosystème isérois où les proies sont impitoyables. La présente lecture sait soutenir une authentique dramatisation, mais se garde de toute théâtralité trop appuyée : l’artifice s’appuie d’abord sur les idiomes ornithologiques. Le traquet rieur transporte dans l’azur irisé et serein de la côte du Roussillon, avec un sens de la lumière déjà apprécié dans les séquences provençales. Densité et éclat du toucher façonnent une marine que l’on retrouvera dans Le courlis cendré, célébrant des conciliabules pleins de caractère, dans un Finistère qui, à défaut de célébrer la Baie de Somme, ne manque pas tout à fait de parenté avec cette dernière – une belle conclusion d’un album où la géographie se traduit en notes vivantes.

GC