Chroniques

par bertrand bolognesi

récital Max Emanuel Cenčić
Fabio Biondi et Europa Galante

Les Grandes Voix / Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 15 février 2013
le contre-ténor Max Emanuel Cenčić en récital au Théâtre des Champs-Élysées
© julian laidig

C’est toujours le cœur en fête qu’on se rend à un récital de Max Emanuel Cenčić. Après la parure händélienne [lire notre chronique du 9 juillet 2012], c’est une nouvelle fois vers l’italienne [lire notre chronique du 22 juillet 2012] que le contre-ténor tourne son programme. Cette fois, il est accompagné par Europa Galante et l’archet directeur de Fabio Biondi. Les musiciens ouvrent la soirée avec une Sinfonia de Broschi qui d’emblée impose une dynamique finement travaillée, mariée à une vivacité de bon aloi.

Le chant commence avec Il Cambise d’Alessandro Scarlatti. La facture infernalement ornée de l’air In quelle luci belle offre à Max Emanuel Cenčić de souverainement commencer par la carte de la virtuosité, malgré une écriture peu flatteuse qui convoque d’abord le grave. Après cette prise de contact, Care pupille belle, extrait de Tigrane, laisse se déployer un véritable phrasé, remarquablement legato, mais la couleur vocale demeure encore timorée. La tendresse de l’expression rencontre encore cette longueur de souffle et cette étendue de la voix qui toujours surprennent chez l’artiste.

Après un Concerto pour viole d’amour et luth à l’équilibre idéal (luth irrésistible), c’est l’onctuosité de son instrument que Cenčić fait goûter avec Dolce mio ben extrait de Flavio Anicio Olibrio de Gasparini. La voix s’y « déroule », pour ainsi dire, dans une plénitude qu’on ne quittera plus. Vano amore, air di bravura manifeste puisé dans l’Alessandro de Händel, conclut avec brio une première partie qui, dans l’ensemble, parut un rien tendue.

C’est clairement à une prise de pouvoir du chanteur sur la salle et l’orchestre que nous assistons en seconde partie. Et plutôt que de suivre bien sagement le programme annoncé, Max Emanuel Cenčić surprend l’assistance en modifiant son menu dont il annonce chaque met au fil du service. Toute la voix est désormais au rendez-vous d’un Mormorando quelle fronde (aria puisé dans La costanza combattuta in amore de Giovanni Porta) d’un moelleux indicible, comme du bout des lèvres. Le grave se révèle ensuite avec un extrait de Merope de Giacomelli, dans un phrasé plus ample encore, et un impact vocal alors libéré d’un contrôle trop sourcilleux. Europa Galante parcourt facilement la Suite de Rodrigo, malgré une section de bois réduite à deux instrumentistes, ce qui n’est guère suffisant pour honorer l’écriture plus colorée de Händel.

Plongée dans l’univers de Vivaldi avec Mi vuoi tradir, lo so tiré de l’opéra La verità in cimento : agilité, richesse expressive du timbre, maîtrise parfaite du souffle, homogénéité de l’émission sur toute l’étendue de la voix, autant de qualités qui permettent au chanteur de signer son interprétation avec panache. La vive signature du Vénitien est enfin rondement servie par l’effervescent da capo d’Anche in mezzo a perigliosa, petite merveille de tempête virtuose. Deux bis pour remercier un public d’aficionados (dont on osera dire qu’il eut ici trop tendance à s’extasier quoi que fît son idole) : A’ piedi miei svenato, fiévreux air pragois, puis Anche un misero arboscello emprunté à Giuseppe Sellitto (Nitocri, 1733).

BB