Chroniques

par katy oberlé

Rigoletto
opéra de Giuseppe Verdi

Festival dell'Arena di Verona / Théâtre antique, Vérone
- 6 juillet 2017
Superbe Rigoletto d'Ivo Guerra d'après Ettore Fagiuoli aux arènes de Vérone !
© ennevi | fondazione arena di verona

Lorsque La Scala crée son Rigoletto le 11 mars 1851, Giuseppe Verdi ignore qu’à partir de 1913 un festival d’art lyrique s’installerait dans le théâtre antique de Vérone où, une quinzaine d’années plus tard, le scénographe et architecte Ettore Fagiuoli (1884-1961) dessinerait l’écrin de la première de l’ouvrage sur la place. En 2003, portant un regard sur son passé en amont de son prochain centenaire, le Festival dell'Arena di Verona confiait au décorateur Raffaele Del Savio, à la costumière Carla Galleri et au metteur en scène Ivo Guerra la reconstitution de ce Rigoletto, à partir des dessins de Fagiuoli. Autant dire qu’après l’Aida de La Fura dels Baus qui nous parut étrange [lire notre chronique de la veille], plonger dans les fastueuses toiles peintes d’autrefois semble plus curieux encore…

En fosse, la direction de Julian Kovatchev évite les quelques lenteurs d’hier, ce qui est autant de gagné pour les chanteurs. De tenue irréprochable, l’exécution s’en tient à l’accompagnement, inutile de chercher une interprétation plus affirmée. Quelques moments sont joliment nuancés et l’articulation profite d’une clarté louable. Les choristes, toujours préparés par Vito Lombardi, s’avèrent plus probant que l’orchestre.

Il n’y a rien à reprocher au cast, particulièrement bien choisi.
En Duc de Mantoue, l’inflexion tendre, toute séduction, de Francesco Demuro met le public à ses pieds. Le chant s’appuie sur une technique sans faille, clairement héritée de la fréquentation du répertoire belcantiste, comme déjà son Edgardo de Lucia di Lammermoor le suggérait au printemps [lire notre chronique du 29 avril 2017]. Applaudie l’automne dernier à Bergame [lire notre chronique du 25 novembre 2016], Jessica Pratt élève le rôle de Gilda au sommet ! On est ébloui par la pureté de la ligne et la facilité globale du chant, reposant là aussi sur une ferme assise technique, ainsi que par le sens de la scène de la diva australienne. Né en Mongolie il n’y a que trente-et-un ans, Enkhbatyn Amartüvshin affiche un instrument exceptionnel dans la partie du bouffon vengeur. La tessiture très développée surprend, l’égalité de la couleur aussi, enfin la puissance jamais en faute et la présence scénique en font déjà un grand Rigoletto que l’expérience cultivera certainement. Il faut admirer la jeune basse Andrea Mastroni en Sparafucile de maître ! La nature fut généreuse avec le Lombard [lire notre critique de son CD Henri Duparc] – on perçoit nettement la voix naturelle dont il dispose –, mais il ne s’en tient pas là : une maîtrise exemplaire de ses moyens conduit cette incarnation magistrale. La Maddalena n’est pas en reste : le mezzo-soprano Anna Malavasi lui offre un legato onctueux. Enfin, parmi les comprimarii, citons le Borsa parfaitement spinto de Francesco Pittari, Nicolò Ceriani en Monterone bien chantant et l’agile Marullo de Marco Camastra.

Il ne sera pas nécessaire de se creuser les méninges, ce soir.
Le spectacle sert fidèlement l’œuvre choisie. Les tableaux grandioses, tour à tour forteresse médiévale ou fresque du palais des ducs mantouans, jouent avec la nuit étoilée. L’histoire racontée là est… celle du Rigoletto de Verdi, voilà ! Ivo Guerra exploite l’esthétique grandiose de la scénographie en l’habitant d’une direction d’acteurs animée. On ne déroge pas à l’argument, les caractères sont clairement définis et les situations palpitantes. Il n’est pas facile d’avoir à écrire que ce type de mise en scène a quelque chose de confortable par les temps qui courent, car l’on est vite taxé de cautionner des trucs ringards et d’avoir un goût réactionnaire ; au fond, une production historique comme celle-ci rejoint par des procédés différents l’orgie technologique d’hier, le but étantle même : du grand spectacle dans un cadre privilégié.

KO