Chroniques

par katy oberlé

Serse | Xersès
opéra Georg Friedrich Händel

Oper, Frankfurt
- 26 janvier 2017
à Francfort, Tilmann Köhler signe la nouvelle production de Serse (Händel)
© barbara aumüller

Continuant son grand cycle Händel, l’Opéra de Francfort présente une nouvelle production de Serse, ouvrage assez tardif dans la carrière du Saxon (1738), et surtout connu aujourd’hui pour Ombra mai fu, air ultra célèbre qu’entonnent volontiers nos vaillantes haute-contres.

Après avoir chanté ici Néron de L’incoronazione di Poppea (2015) puis Zenobia de Radamisto (2016), le mezzo-soprano Gaëlle Arquez se charge avec plus ou moins de bonheur du rôle-titre. La couleur vocale est suffisante à incarner un personnage masculin, sans qu’il soit nécessaire d’appuyer trop le jeu, comme elle le fait. C’est moindre mal, car l’émission qui hésite sans arrêt entre poitrine et tête, l’intonation relativement instable et une conduite toujours brutale de la nuance finissent de désintéresser l’auditeur.

Tout va bien : trois autres femmes s’avèrent bonnes chanteuses et comédiennes accomplies. Le colorature de Louise Alder offre une agilité satisfaisante à la partie d’Atalanta qu’elle rend gracieuse. La puissance incomparable de Tanja Ariane Baumgartner aurait pu sembler disproportionnée dans le répertoire baroque – elle est Fricka, Brangäne, Judit et la Geschwitz, tout de même [lire nos chroniques du 27 janvier 2013, du 18 mai 2014, du 2 octobre 2015 et du 4 août 2010] !... il n’en est rien : son Amastre est confortable. Enfin, la jeune Elizabeth Sutphen, recrue de l’Opera Studio, affirme en Romilda un soprano d’une pureté magique.

Aucun des hommes ne déçoit.
La sûreté, la musicalité et l’écrasante présence du contre-ténor italo-américain Lawrence Zazzo campent un Arsamene remarquable. La maîtrise technique est incomparable, qui l’autorise à des lamenti d’une sensibilité superlative. Aux moyens souvent constatés ces dernières années viennent s’ajouter aujourd’hui une souplesse surprenante et un métier certain [lire nos chroniques du 15 juin 2005, du 19 novembre 2007, du 28 mai 2008, du 28 juillet 2009 et du 26 juillet 2011, entre autres]. Deux compères propulsent dans une vis comica inattendue, avec des gosiers parfaitement affutés. Remarqué il y a tout juste un an dans les rares Cantatrici villane que montait la maison hessoise [lire notre chronique du 31 janvier 2016], la jeune basse Thomas Faulkner nous vaut un Elviro amusant et artistiquement bien pourvu. Mais c’est surtout l’excellentissime Brandon Cedel qui brûle les planches ! En Ariodate, le baryton-basse livre un timbre brillant et viril qui séduit immédiatement [lire nos chroniques du 28 novembre 2015 et du 25 juillet 2016].

À la tête des instrumentistes du Frankfurter Opern- und Museumsorchester, auquel sont ajoutés Axel Wolf (luth), Felice Venanzoni (orgue et clavecin), Kaamel Salah-Eldin (basse de viole) et Daniele Caminiti (guitare baroque) pour un continuo digne de ce nom, Constantinos Carydis signe une lecture plutôt sage de l’œuvre, en adéquation avec la distance du style tardif d’Händel. Il accorde un soin particulier à l’accompagnement minutieux de chaque air [lire notre critique du DVD et notre chronique du 4 juillet 2015].

Donc, tout va bien ?
Sous l’impulsion du dramaturge Zsolt Horpácsy, le metteur en scène Tilmann Köhler et son équipe – lumières de Joachim Klein, décors de Karoly Risz et Susanne Uhl pour les costumes – proposent un déracinement du contexte historique pour interroger notre jeunesse dorée. C’est sans doute préférable à une transposition de la Perse antique aux conflits moyen-orientaux contemporains… On a pourtant bien du mal à les suivre dans cette exploration assez moralisatrice d’une société en pleine décadence.

KO