Chroniques

par irma foletti

Trois Motets de Charles-Hubert Gervais
Sylvain Sartre dirige Les Ombres et le Chœur du Concert Spirituel

Déborah Cachet, Paul Figuier, Marie Perbost et Nicholas Scott
Festival d’Ambronay / Abbatiale
- 10 septembre 2021
Sylvain Sartre dirige Les Ombres et le Chœur du Concert Spirituel à Ambronay
© bertrand pichene

De Venise à Versailles est l’intitulé du concert du soir en l’abbatiale d’Ambronay, même si les œuvres sont présentées dans l’ordre inverse de cet itinéraire. Le programme commence en effet avec trois grands motets de Charles-Hubert Gervais (1671-1744), surintendant et maître de musique à la Chapelle royale sous Louis XV. L’orchestre Les Ombres est placé sous la direction de l’un de ses deux cofondateurs, Sylvain Sartre, tandis que le chœur du Concert Spirituel échappe à Hervé Niquet, son chef habituel.

Les différents passages du premier motet Super flumina babilonis alternent entre ambiance religieuse de l’ensemble et séquences davantage dédiées aux solistes vocaux. La voix du ténor Nicholas Scott, très sollicitée au cours du concert, est émise avec clarté, élégance et une puissance appréciable, tandis que celle du baryton-basse Benoît Arnould ne dispose pas de la même projection et tend parfois à disparaître derrière le tissu instrumental. Au cours du plus joyeux Jubilate Deo, les deux sopranos Marie Perbost et Déborah Cachet dialoguent agréablement ou bien chantent à l’unisson, au même niveau de qualité de timbre et de musicalité. Le ténor soigne la ligne vocale du Populus ejus (dans un latin prononcé à la française, qui peut faire sourire par moments), avant la conclusion du chœur. Les premières mesures du troisième motet, Miserere, installent immédiatement une ambiance triste et pesante, mais le passage Auditui meo révèle un peu plus tard une écriture plus fleurie, où sopranos et ténor montrent, tour à tour, leurs capacités de souplesse et de vélocité. Tout au long de cette heure de musique, la direction trouve place entre recueillement religieux et dynamique du chant, sans éviter toutefois par instants de petits décalages.

Une sinfonia d’Alessandro Scarlatti permet ensuite d’apprécier le splendide premier violon de Théotime Langlois de Swarte, qui dirige de son instrument. Quelle ampleur donnée au Largo très doloriste, et quelle panoplie de nuances ! Dans le presto, chaque pupitre échange la phrase musicale écrite avec une folle célérité, des violons jusqu’à la contrebasse… tout ceci en un temps record de moins de cinq minutes de montre, ce qui pourrait nous évoquer une symphonie-minute !

En conclusion de programme, le Magnificat RV 610 d’Antonio Vivaldi en est aussi la pièce la plus connue, qui rassemble tous les artistes précédemment cités, avec en plus l’apport du contre-ténor Paul Figuier dans la partie d’alto. On apprécie cette voix bien en situation qui déroule un joli legato naturel. Le chœur du Concert Spirituel est en place et développe une vaillante ardeur pour Fecit potentiam. Les dernières mesures n’ont pas fini de résonner que les applaudissements fusent de la nef. Après plusieurs rappels, les artistes donnent en bis le Gloria de Vivaldi, pour terminer, comme l’indique le chef Sylvain Sartre, sur une note plus joyeuse.

IF