Chroniques

par jérémie szpirglas

Alexandre Tansman
Igor Stravinsky

Éditions du point d'exclamation (2009) 294 pages
ISBN 918-2-916347-22-6
Éditions du point d'exclamation (2009) 294 pages

Igor Stravinsky et Alexandre Tansman, compositeur français d'origine polonaise de quinze ans son cadet, se sont rencontrés à Paris dans les années vingt. Fuyant l'Europe sous la menace nazie, ils se retrouvent tous deux à Hollywood et développent alors une amitié exclusive, intense et presque fusionnelle. En 1947, Tansman est donc sans doute l'homme le mieux placé pour parler de Stravinsky, de sa vie et de son œuvre. Peut-être trop bien placé d'ailleurs…

En cette période d'immédiat après-guerre, Stravinsky est au sommet de sa gloire. Connu de tous, il est toutefois au cœur de sa période néoclassique – qui aboutira au Rake's Progress – et se voit en conséquence la proie de nombreuses critiques au sein du monde musical moderne. Ce vif débat amène Tansman à prendre la défense de son ami face à ses détracteurs, parmi lesquels les tenants d'un modernisme sériel absolu. Il a toutefois l'élégance de ne pas renvoyer la balle. Son livre, sobrement intitulé Igor Stravinsky, se situe à mi-chemin entre la biographie, le catalogue raisonné, et l'essai esthétique. Tansman se concentre sur son sujet, replace le débat sur un terrain plus strictement musical – et non pas philosophico-politico-musicologique.

Avec une érudition jamais complaisante alliée à un inébranlable enthousiasme, il se livre à une réflexion fouillée qui relève davantage de l'analyse critique – le terme « critique » étant à comprendre ici dans son sens scientifique et non journalistique. L'exposé du parcours esthétique et musical de Stravinsky s'accompagne de passionnantes analyses de partition, particulièrement détaillées lorsqu'il s'agit d'œuvres phares, ainsi que de commentaire sur l'accueil public et critique qui leur est fait.

Décryptant sans s'appesantir les ressorts (et les efforts) de la création, il dégage avec une clarté admirable les grands axes et lignes de force – l'inspiration du concret, les couleurs orchestrales, le goût pour les contraintes, etc. – qui parcourent l'œuvre de son ami, et introduit au passage la notion de « réaction révolutionnaire » – oxymore fort justement trouvée, et que Stravinsky n'aurait sans doute pas reniée.

JS