Chroniques

par hervé könig

Antoine de Lhoyer
duos et concerti pour guitare

1 CD Opus 111 (2004)
OP 30396
Antoine de Lhoyer | concerti pour guitare – etc.

Né à Clermont-Ferrand sous Louis XV (1768), mort à Paris sous Napoléon III (1852), Antoine de Lhoyer a connu presque cent ans de perturbations politiques et militaires, des fastes royaux à l'après-Révolution. De nombreuses personnes du monde musical de l'époque témoignent de son talent ; sa carrière et une quarantaine d'opus (principalement pour une ou plusieurs guitares) sortent peu à peu de l'anonymat.

Très jeune, il étudie sur le clavecin familial, avant de s'intéresser à la guitare – peut-être par sa fréquentation de Pierre-Jean Porro, professeur de musique et fondateur du Journal de la Guitare à Paris. Dans la capitale, en 1774, il côtoie nombre de guitaristes réputés. Pour parfaire sa formation, il visitera les capitales européennes au sein d'une troupe de théâtre. Sa réputation de grand virtuose grandit, tandis que la vie militaire le demande – il est Lieutenant du Roi –, venant se mêler à sa passion pour l'instrument. Une blessure à la main droite l'handicape durant trois années ; il vit de ses leçons au gré des déplacements de troupes, etc. À partir de 1804, dix ans durant, il va vivre à Saint-Pétersbourg d'une généreuse pension de l'impératrice Elisabeth. C'est pour lui une période de création féconde. Puis il retourne en France, au service de Louis XVIII. Écarté de la capitale peu après, puis rappelé de force, son existence devient difficile ; il meurt dans un grand dénuement, le 15 mars 1852.

D’une écriture virtuose, le Concerto pour guitare Op.16 (1799) comporte deux mouvements (Allegro moderato et Rondo moderato), et cette structure a suscité bien des questions au moment de valider une nouvelle édition après la première à Hambourg, en 1802. En effet, la binarité était plutôt réservée aux petites pièces de chambre alors que Lhoyer a connu l'avènement du concerto classique en trois pans, et qu'il y excellait lui-même. AussiPhilippe Spinosi réalisa-t-il un possible mouvement central Adagio, à partir de l'un des duos qui complètent ce disque. Publiés autour de 1814 à son retour de Saint-Pétersbourg, ceux-ci constituent l'Opus 31 et le chef-d'œuvre du compositeur. Le meilleur de sa musique doit d'ailleurs beaucoup à cette dizaine d'années passée dans la capitale impériale russe dont la vie musicale était particulièrement intense.

L'initiative d'enregistrer l'œuvre de Lhoyer est certes louable, d'autant que le répertoire de la guitare dans ces années mozartiennes demeure mince et méconnu. Cependant, si Philippe Spinosi et Josiane Rabemananjara offrent une belle interprétation de ces pièces, il n'en est pas de même pour la conduite de Jean-Christophe Spinosi à la tête de sonEnsemble Matheus, s'adonnant à ses pires travers, à savoir une dynamique surcontrastée qui escamote le son et la phrase, jusqu'à faire entendre un orchestre fantomatique à la vivacité excitante bien que superficielle. Ainsi dans le fort mozartien Allegro moderato laisse-t-il se succéder coups de gueule et trous tout à fait navrants, provoquant une sorte de chaos très éloigné de l'élégance promise.

HK