Chroniques

par laurent bergnach

Antoine Mariotte
Salomé

1 coffret 2 CD Accord (2006)
442 8553
Antoine Mariotte | Salomé

« La Marine, c'est beau, c'est splendide, sublime même. Mais, par moments, il me semble que je ne suis pas dans ma vocation. Je regrette la musique, le piano. » Pour étoffer sa plainte, Antoine Mariotte (1873-1944) aurait pu ajouter le violon, la flûte et le basson, ces instruments qu'il aborda avant de faire une première carrière sur les mers. Au bout du compte, la passion finit par l'emporter : en juillet 1896, il fait la connaissance d'un officier de marine nommé Thomazi, avec lequel il déchiffre au clavier l'intégrale des Symphonies de Beethoven, en une après-midi. En octobre 1896, à peine promu enseigne de vaisseau, il prend un congé de six mois pour écrire de la musique. Contre les avis de son supérieur hiérarchique, de sa mère, de Massenet, Saint-Saëns ou encore Reyer, le jeune homme a raison de s'entêter : après cinq mois dans la classe de composition de Charles Widor, il entrerait à la Schola Cantorum et démissionnerait de la Marine, le 7 octobre 1897.

Avant Le Vieux Roi (1911), Léontine Sœurs (1924), Esther, princesse d'Israël (1925), Gargantua (1935) – respectivement drame lyrique, opérette, tragédie lyrique et opéra-comique dont seul le dernier rencontre le succès –, l'élève de Vincent d'Indy se consacre à Salomé. Inspiré du même texte français d'Oscar Wilde qui féconda Richard Strauss, créé à Lyon le 30 octobre 1908, cet acte unique se teinte d'exotisme et de perversité en captant notre attention « plutôt par la traduction des sentiments intérieurs que par la recherche du pittoresque extérieur » comme l'écrivait Albert Roussel à l'époque. Hérités de Debussy, le langage complexe et l'orchestre transparent ne manquent pas d'intérêt pour l'auditeur d'aujourd'hui.

Le présent coffret rend compte des représentations données au Corum de Montpellier [lire notre chronique du 4 décembre 2005], en alternance avec le drame musical éponyme du créateur d'Elektra. Déroutés par une prise de son qui gomme la profondeur de la direction, certes peu lyrique, de Friedemann Layer, et qui rend parfois lointaines les voix – que dire du second soldat de Fabrice Mantegna, par exemple, alors que la vaillance et la souplesse du premier, incarné par Cyril Rovery, semblent favorisées ? –, il est inévitable que les souvenirs du spectacle se heurtent à l'écoute actuelle. Il faut alors confirmer nos déceptions de l'époque – souci d'émission de Delphine Galou, instabilité de Marcel Reijans, cependant d'une belle couleur – ou les infirmer – Jean-Luc Chaignaud ici convainquant. Malgré sa diction approximative, mais grâce à des aigus agiles et puissants, la princesse de Kate Aldrich conserve notre affection.

LB