Chroniques

par vincent guillemin

Anton Bruckner
Symphonie en ré mineur n°3 « Wagner-Sinfonie »

1 CD Atma Classique (2014)
ACD2 2700
Yannick Nézet-Séguin joue la Symphonie n°3 (1873) d'Anton Bruckner

Depuis 2008, Yannick Nézet-Séguin poursuit avec son Orchestre Métropolitain (Montréal) une intégrale des symphonies d’Anton Bruckner pour le label Atma Classique. Après avoir livré sa vision des « grandes » 4, 7, 8 et 9, il s’est attaqué à la moins célèbre Sixième, et maintenant à la Wagner-SinfonieSymphonie en ré mineur n°3 – présentée ici dans sa version originale de 1873, remise à la mode depuis une décennie et déjà enregistrée par Eliahu Inbal ou Simone Youn, entre autres.

Dès GemäBig, misterioso, le mouvement introductif, plusieurs traits sont frappants. D’abord, il semble que le chef ait muri son approche de la direction et qu’il soit maintenant plus précis et plus apte à s’attaquer à un compositeur aussi complexe que Bruckner. Ensuite, l’orchestre surprend, tant il semble maîtriser ce répertoire depuis des décennies. Il sonne, certes, avec plus de clarté que ses aînés allemands et autrichiens, mais maintient une atmosphère très en phase avec le son brucknérien des décennies précédentes, principalement grâce à des premiers violons très concentrés et à d’extatiques interventions de bois. Précises, les attaques, à défaut d’être parfois suffisamment incisives, mettent superbement en valeur des cuivres impressionnants de justesse.

L’approche de Nézet-Séguin traite avec douceur, voire avec une certaine tendresse (Adagio), une partition qui mérite plus de tranchant, surtout lorsqu’elle est jouée dans sa première version, exempte du travail de correction et d’aseptisation des élèves du compositeur. Cette vision trouve des limites dans le Scherzo, ample mais pas assez brusque, d’où ne ressort que peu de tension. Les références à Wagner sont, du coup, moins nettes que lorsque Inbal ou Thielemann se sont attelé à cette Urfassung de l’œuvre, et bien moins marquée qu’avec Kurt Sanderling qui utilise pourtant l’une des quatre révisions (celle de 1889). L’Allegro final renoue avec le premier mouvement, tout de clarté et de fluidité, où le chef réussit à faire tenir à ses cordes encore vives tous les arpèges jusqu’à un final bien mérité, auquel il aurait fallu toutefois plus de force pour être parfait.

Précisons que la notice de ce disque débute en français sur un texte fort intéressant de Robert Rival, traduit en anglais. Il insiste sur les traits importants de l’œuvre et sur le contexte de sa composition. Quoique correcte, la prise de son manque de proximité et de chaleur, privilégiant un rendu global sur une accumulation de détails.

VG