Chroniques

par bertrand bolognesi

Antonio Vivaldi
Andromeda liberata | Andromède libérée

1 coffret 2 CD Archiv Produktion (2004)
477 0982
Antonio Vivaldi | Andromeda liberata

Il y a maintenant quelques années débutait le vaste projet d'une Édition Vivaldi qui suit son cours avec des réalisations toujours soignées permettant des découvertes souvent inestimables. Si l'entreprise put paraître hasardeuse dans un monde du disque que l'on aime à dire en crise, le franc succès remporté, principalement avec les coffrets d'opéra, crée aujourd'hui une émulation qui multiplie les publications des labels concurrents. Et c'est tant mieux pour le mélomane ! Moins grossièrement, ce phénomène seul n'explique pas les parutions de plus en plus régulières de ces ouvrages : un engouement artistique certain, durable et que l'on comprend aisément envahit d'excellents musiciens qui n'ont de cesse d'explorer un catalogue d'une richesse extraordinaire. Ainsi Andrea Marcon, qui jusqu'alors s'exprimait chez Sony, enregistrait-il pour Archiv en janvier 2004 une Andromeda liberata attribuée rapidement à Vivaldi, puisqu'une seule aria – la sublimissime Sovvente il sole de Persée, 2ème partie – dans toute cette Serenata est incontestablement de sa plume. Il semble qu'en 1726, à l'occasion du retour du cardinal Ottoboni à Venise qui l'avait banni quatorze ans plus tôt, ce pasticcio ait été chanté, entre autres fastueux concerts. On y reconnaîtra plus d'une fois la parenté vivaldienne dans un judicieux montage qui laisse présumer la participation de plusieurs autres compositeurs. De fait, Archiv précise Vivaldi and others

Le plus important est de pouvoir entendre un objet plutôt bien ficelé par des trames dramatiques et musicales parfaitement cohérentes, servi ici par une distribution tout à fait remarquable. À la tête de son Venice Baroque Orchestra, Marcon offre une lecture sensible, à l'articulation exaltée, parfois un peu trop appuyée dans les passages purement instrumentaux, mais toujours attentive aux voix, ménageant la plupart du temps un sain équilibre. On appréciera également le beau travail de La Stagione Armonica dirigée par Sergio Balestracci dans les très rares interventions de chœur.

Quant aux voix, on ne sera pas déçu. On peut même dire tout de go qu'il n'est pas fréquent qu'un label réunisse un casting à ce point idéal. Mark Tucker y est un Daliso honorable, un peu gêné dans sa première intervention, mais largement libéré pour son aria Peni chi vuol penar plus à sa mesure. Katarina Beranova sert le rôle de Cassiope par une projection exemplaire et une grande clarté dictionelle. Perseo révèlera peu à peu les possibilités expressives de Max Emanuel Cencic dont on admirera l'émission très égale, la fiabilité sans faille et l'unité de couleur. Enfin, deux voix viennent littéralement transcender cet enregistrement : Anna Bonitatibus donnant avec évidence un Meliso au timbre chaleureux, et la charismatique Simone Kermes dans le rôle-titre, très engagée dans le drame, fabuleusement expressive, qui réalise des acrobaties vocales d'un raffinement extrême sachant toujours rester gracieux – qui d'autres ose poser si délicatement l'aigu ? –, jusqu'à l'émotion.

BB